Enfants et polyamour

Ah, les enfants…
Des fois, ils nous sortent de ces trucs, on dirait des adultes, c’est dingue
C’est parce qu’ils observent ce qui se passe autour d’eux bien mieux que ne le croient les adultes
Ils comprennent un tas de choses

Nana

On m’avait posé la question il y a un moment de ce que ça faisait, l’arrivée d’un enfant dans une famille polyamoureuse.
Je n’en ai pas trop parlé ici, parce que ce n’est pas mon enfant et parce que c’était un peu compliqué. Maintenant que c’est plus clair pour moi et plus simple aussi, je voudrais vous partager mon témoignage, pour ce qu’il vaut.

Pour remettre un peu de contexte, avec mon époux on avait essayé d’avoir des enfants il y a quelques années. Ca n’avait rien donné, et on avait mis le projet en pause. Au final, la pause s’est éternisée, et le projet ne sera pas repris, la situation ayant évolué par la suite. En effet, mon époux a eu un enfant avec son autre chérie il y a maintenant deux ans, et il a rompu avec moi il y a bientôt un an. Nous vivons actuellement encore sous le même toit, lui, elle et moi, leur enfant de deux ans, avec également leur second enfant en préparation.
Cette cohabitation se fait dans une bonne entente globale, malgré les contraintes qui n’ont pas été facilitées par le Covid, et elle ne devrait plus durer très longtemps, puisque le divorce sera bientôt finalisé et qu’ils vont déménager ailleurs.
Pour parer à toute polémique, il était clair dès le début pour les deux parents que je serais dégagée de toute responsabilité envers cet enfant, dont ils étaient seuls à l’origine. L’idée était que l’enfant aurait deux parents, et moi un rôle plutôt marginal, bien que partageant beaucoup de moments de sa vie.

Il y a eu des moments compliqués, le temps que tout le monde prenne ses marques, que les nouveaux arrivants se sentent chez eux, mais aussi avec la fatigue, les crises personnelles, les sautes d’humeur des uns ou des autres… Peut-être que la présence d’un tout petit a poussé chacun à faire encore plus d’efforts. Personnellement j’ai trouvé ce foyer chaleureux, et la présence d’un enfant l’a aussi rendu très animé.
Parfois quand c’était un peu trop, j’avais encore l’option de me replier dans ma chambre, mon endroit à moi. N’ayant pas la responsabilité de l’enfant, j’avais la possibilité de respecter mon propre rythme et mes limites. Quel luxe! J’avais appris à dormir avec des boules quiès peu de temps avant l’arrivée du petit bonhomme, et cela aura bien servi.
Et puis il y a eu beaucoup de moments de joie, de fous rires, de musique et de danse, de cuisine tous ensemble, avec l’aide toute particulière d’un petit d’un an ou deux très volontaire. Des moments de vie partagés que j’ai vraiment appréciés, eux aussi je l’espère. Et aussi des moments où on était bien contents de pouvoir souffler quand il était à la crèche, quand j’allais vivre ailleurs pendant quelques jours, quand ils partaient en vacances et que j’avais la maison pour moi.

Je me suis posé la question de si c’était à refaire, est-ce que je referais la même chose, sachant comment tout cela a tourné, avec au final le divorce et moi qui me retrouve seule. Et je crois bien que oui. Je ne sais pas si eux diraient la même chose, mais en ce qui me concerne, je pense que je referais les mêmes choix.
Il y a deux ans, j’étais toujours en couple avec mon époux, et il était dans une relation engagée avec son autre chérie également. Il faisait la navette entre les deux foyers, ce qui lui permettait de passer du temps avec chacune, à défaut d’être très confortable. Lorsqu’elle a été enceinte, il fallait trouver comment faire pour qu’il puisse continuer à passer du temps avec elle et avec moi, et voir son enfant le plus possible évidemment aussi. La solution que nous avons choisie d’un commun accord a été qu’elle emménage avec leur enfant sous notre toit, qui était assez grand pour 3 adultes et un enfant.

C’est ainsi que j’ai pu voir mon époux papa, sans avoir porté ou accouché d’enfant, sans rogner sur mon sommeil, sans changer de couches, et sans en avoir la responsabilité. J’ai eu la chance énorme de partager les deux premières années de la vie de ce nouvel être, pas dans le rôle privilégié de parent mais dans un rôle plus discret, qui me laissait libre de vaquer à mes occupations tout en me permettant de voir comment ça marche un tout petit, et d’avoir mon lot de moments spéciaux avec lui. C’est un peu tous les avantages sans les inconvénients quand on y pense.
Je n’aurais jamais imaginé vivre ça de cette façon, dans ce contexte, mais je crois que cela m’a particulièrement bien convenu. Je voulais voir mon époux papa, je voulais une famille mais pas porter un enfant ou en accoucher, c’est exactement ce que j’ai eu au final. Certes cela a demandé pas mal d’adaptation et de concessions de ma part comme des autres, ce qui est quand on y réfléchit assez normal dans la vie en communauté, et certes cela va continuer par la suite sans moi, mais en tout cas c’était une chance.

C’est principalement pour cet aperçu de la parentalité que je referais exactement le même choix, si c’était à refaire. J’avais beaucoup de questionnements et de doutes à ce sujet, même quand on essayait d’avoir des enfants, et j’ai trouvé beaucoup de réponses dans ces deux années de vie avec un enfant. J’ai pu moi aussi grandir un peu avec lui.
Je ressens vraiment cette chance d’avoir vu mon futur ex époux papa, sans que ça soit mon enfant. Et également d’avoir eu une place dans la vie de cet adorable petit être, une place dans son univers. J’espère qu’il ne m’oubliera pas.
Et puis je suis aussi heureuse d’avoir pu être de quelque assistance parfois, pour garder l’enfant ou pour décharger ses parents, dans la mesure de mes moyens. J’étais déjà convaincue qu’il faut tout un village pour élever un enfant, comme le dit l’adage, et j’ai pu constater à quel point c’était vrai. C’est d’ailleurs surtout ça que j’avais à l’esprit quand je pensais à l’idée d’un enfant dans un contexte polyamoureux : ça fait plus d’adultes pour s’occuper des enfants, ça ne peut qu’être bien pour eux. Je ne doute pas qu’il faut un nombre limité de référents, mais une large famille qui agit en soutien, c’est que du bonus.
Je crois aussi que j’ai pu tisser une relation plus proche avec la maman du petit bout. Ce n’était pas tout à fait évident au début, mais aujourd’hui j’ai le sentiment qu’on pourrait se considérer comme amies. En tout cas je pense qu’on se connait beaucoup mieux qu’il y a deux ans, et j’espère que l’affection qu’on a pu ressentir à certains moments au sein de ce foyer ne disparaîtra pas complètement des esprits par la suite.

Ce que je n’avais pas prévu, c’est la dissolution de mon couple dans cette histoire. Le papa s’est complètement investi dans ce nouveau couple et leur enfant, il n’avait plus de temps pour moi ni bien souvent pour lui-même, et je crois qu’il a coupé quand il pouvait cette relation qui l’encombrait de plus en plus.
Le fait est qu’on s’est progressivement éloignés, au fil de ces années. Il était de moins en moins investi, et je l’ai laissé faire. Je crois que ça s’est passé aussi doucement et simplement que possible. Et même si généralement, j’ai tendance à faire des coupures plus franches, et ne pas trop apprécier la transition de relation amoureuse à amicale, dans ce cas c’était un peu différent. Au moment où il a décidé de rompre, il n’y avait plus de sentiments passionnés. Une certaine affection demeure, on s’était peut-être un peu abîmés, mais on s’était surtout éloignés. Ca a été une déception, ça a été difficile, mais c’était aussi un bon moment pour le faire. J’étais bien entourée. J’avais eu le temps de développer au fil des ans mon autonomie et de m’investir moi aussi ailleurs. Tout en respectant jusqu’au bout ses engagements avec moi, il a pu sortir de cette relation, peut-être pas la tête haute, mais avec égards pour moi.
C’était sûrement une bonne manière de faire ça, et pour lui de transitionner de notre mariage vers leur nouvelle famille. Pour moi, le fait que la cohabitation ait continué après la rupture, sans tellement de changement au fond, cela m’aura permis de m’adapter en douceur à l’idée de vivre sans lui, de réfléchir à ce que je pourrai faire après, et de voir aussi que je ne suis pas abandonnée à moi-même quand on ne veut plus de moi. J’aime bien cette idée qu’une certaine solidarité perdure, et que les liens de type familiaux ou amicaux, même quand ils ne sont pas de sang, comptent quand même pour quelque chose.

Je ne jure pas de la suite, mais en tout cas, je suis plutôt fière de ce qu’on a vécu ensemble, ces deux dernières années, voire quatre ou cinq. Je crois qu’on grandit tous, on évolue, non sans douleur, mais sans cataclysme.
Et peut-être que même si on ne suit pas le même chemin, on n’est pas obligés de se perdre.

Et vous, quelle est votre expérience au sujet des enfants dans un contexte de polyamour?

Projets

Je l’aimais sincèrement
Et il l’a accepté quelque temps
C’est suffisant! C’est déjà une chance!
J’ai pas à me sentir misérable!

Nana

Il y en a qui achètent leur maison, qui font des enfants. Tous ces beaux projets!

Moi cette année mon projet, c’est de divorcer. Bon, je dois dire que ça sonne pas aussi bien. Pourtant ça prend aussi du temps, et de l’énergie. Il y a plein de trucs à calculer, de rendez-vous et de choses à penser.

Comme quand on s’est mariés, il y a des gens qui sont là pour nous accompagner. On pourrait dire que c’est davantage payant, mais on ne va pas trop se leurrer, le mariage n’était pas vraiment gratuit non plus. C’est juste un peu moins festif cette fois. Encore que, ça pourrait, et je pense que pour certains ça le sera au moins en partie. Moi je n’ai vraiment rien à fêter, pour le moment en tout cas.

Au moins on évite les poncifs du genre. Au risque de faire vriller la moustache du notaire, ce n’est pas monsieur qui compte garder la maison, ce n’est pas pour les enfants non plus, et je ne suis pas sûre que monsieur aura l’occasion de faire un geste pour aider madame à retomber sur ses pieds, financièrement parlant. Enfin, on verra. En tout cas, ça me paraissait assez sensé : « Tu veux partir faire ton truc sans moi, ben pars, alors. » Moi j’ai pas d’autre projet, alors je reste. Dans cette maison que j’avais achetée avec toi, où on a vécu avec elle et lui (et le chat), pour au final y rester avec personne.

J’avoue que je t’en veux, par moments. Enfin ça ne doit pas être facile non plus de partir. La plupart du temps je sais tout ce qui nous a amenés ici, et aussi que ça sera bien aussi, par la suite. Sûrement un peu plus solitaire, mais bien aussi. Mais par moments je fais face à cet abîme de solitude et je t’en veux, de m’abandonner, de continuer sans moi, de rompre nos promesses, d’avoir construit autre chose et de ne plus rien avoir pour moi dans tout ça. Dans ces moments-là je ne comprends pas comment on peut faire ça, à quelqu’un qu’on aimait.

Mes amours me manquent. Celui qui avait lié sa vie à la mienne, et qui me rend ma liberté. Celui que je vois trop peu à mon goût, et qui essuie mes larmes au téléphone. Celui qui a disparu, qui me manque plus que je ne saurais dire, un peu plus chaque jour qui passe.

Mes amis me manquent. Ceux qui sont comme une famille pour moi, mais que j’ai peur de voir me tourner le dos à leur tour.

Tellement de beaux projets autour de moi…

Survivre à l’hiver

“Je t’avais dit que je sourirais immanquablement jusqu’au bout, trop heureux pour pleurer”

Un an de plus. Comme l’année dernière à cette époque, je suis dévastée, en morceaux. Les muscles intercostaux douloureux à force de pleurer. Pas pour la même raison, enfin si un peu quand même. Bon sang, j’aurais dû m’en douter quand on m’a trouvé un nouveau cheveu blanc

C’était pas la vieillesse en fait. C’était le dernier grand amour que je n’avais pas encore perdu. Le seul qui était resté là, toujours, pendant toute ma vie d’adulte. Toute ma vie après avoir quitté mes parents. Mon socle. Mon foyer. La personne avec qui je voulais vieillir.

16 ans de relation. 8 ans de mariage. Ça a été mouvementé. Ça a été formidable. C’est une histoire que j’aime tellement. Que j’aurais aimé continuer. On a grandi, on est devenus meilleurs c’est certain. On a changé, on s’est éloignés, évidemment il y a eu mon infertilité, et puis l’arrivée de son enfant, ça a bien brassé les cartes.

Il redevient monogame de fait. Je sais que je ne le serai jamais, pas plus que je ne l’ai été jusqu’ici. Tout le reste est à réinventer…

J’avais commencé un billet il y a plusieurs années, sur l’idée de base, de relation principale. L’essence de ce billet était que ma base, c’est moi, au final. Que je l’avais peut-être un peu oublié, ou pas vraiment construit, et ces dernières années, c’est ce que j’ai redécouvert, progressivement. Mais ça sonnait un peu bizarre encore. Là je sais que c’est de ça qu’il s’agit. Un saut dans l’insécurité pour moi, dans l’inconnu, comme la chanson de la reine des neiges 2 qui passe en boucle dans ma tête depuis un an, « Into the unknown ». Refaire une base de moi seule. Une aventure que je ne souhaitais pas, et qu’il me reste à apprécier. Ça va prendre un peu de temps…

Je pleure en me couchant, en me douchant, en mangeant, en parlant. Il y a eu quelques semaines très compliquées, des hauts et des bas, il y en aura encore. Je sais que ça arrive, ce genre de choses, d’autant plus avec le polyamour, plus de relations, plus de ruptures… mais j’espérais que ça ne m’arrive pas. Je sais que ça va aller, que je vais trouver d’autres projets… mais je n’ai jamais voulu en faire d’autres. Malgré mes discours sur les oeufs et les paniers, c’était mon seul projet de vie. C’est risqué, hein, la vie. On fait des paris, on gagne, on perd. Comment dire, ces derniers temps, j’en ai un peu marre de perdre. J’ai pas l’impression de trop me planter pourtant. La direction est bonne, cohérente, en lien avec ce que je suis, ce que j’aime et ce que je veux. Mais je pourrai pas la tenir toute seule…

Les hivers sont rudes en ce moment. De plus en plus. Je pense à l’hiver en Kirghizie, quand les montagnes sont impraticables et que les kirghizes vont hiverner dans les vallées, en se serrant les uns contre les autres et sans pouvoir faire grand chose d’autre que survivre à l’hiver, attendre qu’il passe, avec leurs proches. Je me demande comment je vais passer les hivers à venir. Dans quel foyer.

Un foyer chaleureux pour passer l’hiver. C’est tout ce que je me souhaite pour cette année.

La maison qui avait un coeur – 2

« Loxley ! Je vais t’arracher le coeur avec une petite cuillère ! »

Robin des bois

Parfois, on se sépare. Et la maison qui avait participé à tant de moments de bonheur se trouve déchirée, coupée en deux. Il va falloir tout se partager.

C’est alors que les meubles tombent inexplicablement en miettes. Les étagères de bouquins ploient et craquent. Tout à coup c’en est trop aussi pour la voiture qui tombe en panne, le frigo qui lâche, et plusieurs lampes qui grillent coup sur coup. Le canapé en cuir, qui faisait bonne figure jusque là malgré son âge, se déchire. La tondeuse ne démarre plus. C’est comme si les objets s’arrangeaient pour qu’on n’ait pas à se battre pour eux : ils abandonnent la partie.

(oui, ces textes sont très courts. Parfois, je n’ai pas grand chose à dire. Mais j’aime bien cette vision animiste).

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