Enfants et polyamour

Ah, les enfants…
Des fois, ils nous sortent de ces trucs, on dirait des adultes, c’est dingue
C’est parce qu’ils observent ce qui se passe autour d’eux bien mieux que ne le croient les adultes
Ils comprennent un tas de choses

Nana

On m’avait posé la question il y a un moment de ce que ça faisait, l’arrivée d’un enfant dans une famille polyamoureuse.
Je n’en ai pas trop parlé ici, parce que ce n’est pas mon enfant et parce que c’était un peu compliqué. Maintenant que c’est plus clair pour moi et plus simple aussi, je voudrais vous partager mon témoignage, pour ce qu’il vaut.

Pour remettre un peu de contexte, avec mon époux on avait essayé d’avoir des enfants il y a quelques années. Ca n’avait rien donné, et on avait mis le projet en pause. Au final, la pause s’est éternisée, et le projet ne sera pas repris, la situation ayant évolué par la suite. En effet, mon époux a eu un enfant avec son autre chérie il y a maintenant deux ans, et il a rompu avec moi il y a bientôt un an. Nous vivons actuellement encore sous le même toit, lui, elle et moi, leur enfant de deux ans, avec également leur second enfant en préparation.
Cette cohabitation se fait dans une bonne entente globale, malgré les contraintes qui n’ont pas été facilitées par le Covid, et elle ne devrait plus durer très longtemps, puisque le divorce sera bientôt finalisé et qu’ils vont déménager ailleurs.
Pour parer à toute polémique, il était clair dès le début pour les deux parents que je serais dégagée de toute responsabilité envers cet enfant, dont ils étaient seuls à l’origine. L’idée était que l’enfant aurait deux parents, et moi un rôle plutôt marginal, bien que partageant beaucoup de moments de sa vie.

Il y a eu des moments compliqués, le temps que tout le monde prenne ses marques, que les nouveaux arrivants se sentent chez eux, mais aussi avec la fatigue, les crises personnelles, les sautes d’humeur des uns ou des autres… Peut-être que la présence d’un tout petit a poussé chacun à faire encore plus d’efforts. Personnellement j’ai trouvé ce foyer chaleureux, et la présence d’un enfant l’a aussi rendu très animé.
Parfois quand c’était un peu trop, j’avais encore l’option de me replier dans ma chambre, mon endroit à moi. N’ayant pas la responsabilité de l’enfant, j’avais la possibilité de respecter mon propre rythme et mes limites. Quel luxe! J’avais appris à dormir avec des boules quiès peu de temps avant l’arrivée du petit bonhomme, et cela aura bien servi.
Et puis il y a eu beaucoup de moments de joie, de fous rires, de musique et de danse, de cuisine tous ensemble, avec l’aide toute particulière d’un petit d’un an ou deux très volontaire. Des moments de vie partagés que j’ai vraiment appréciés, eux aussi je l’espère. Et aussi des moments où on était bien contents de pouvoir souffler quand il était à la crèche, quand j’allais vivre ailleurs pendant quelques jours, quand ils partaient en vacances et que j’avais la maison pour moi.

Je me suis posé la question de si c’était à refaire, est-ce que je referais la même chose, sachant comment tout cela a tourné, avec au final le divorce et moi qui me retrouve seule. Et je crois bien que oui. Je ne sais pas si eux diraient la même chose, mais en ce qui me concerne, je pense que je referais les mêmes choix.
Il y a deux ans, j’étais toujours en couple avec mon époux, et il était dans une relation engagée avec son autre chérie également. Il faisait la navette entre les deux foyers, ce qui lui permettait de passer du temps avec chacune, à défaut d’être très confortable. Lorsqu’elle a été enceinte, il fallait trouver comment faire pour qu’il puisse continuer à passer du temps avec elle et avec moi, et voir son enfant le plus possible évidemment aussi. La solution que nous avons choisie d’un commun accord a été qu’elle emménage avec leur enfant sous notre toit, qui était assez grand pour 3 adultes et un enfant.

C’est ainsi que j’ai pu voir mon époux papa, sans avoir porté ou accouché d’enfant, sans rogner sur mon sommeil, sans changer de couches, et sans en avoir la responsabilité. J’ai eu la chance énorme de partager les deux premières années de la vie de ce nouvel être, pas dans le rôle privilégié de parent mais dans un rôle plus discret, qui me laissait libre de vaquer à mes occupations tout en me permettant de voir comment ça marche un tout petit, et d’avoir mon lot de moments spéciaux avec lui. C’est un peu tous les avantages sans les inconvénients quand on y pense.
Je n’aurais jamais imaginé vivre ça de cette façon, dans ce contexte, mais je crois que cela m’a particulièrement bien convenu. Je voulais voir mon époux papa, je voulais une famille mais pas porter un enfant ou en accoucher, c’est exactement ce que j’ai eu au final. Certes cela a demandé pas mal d’adaptation et de concessions de ma part comme des autres, ce qui est quand on y réfléchit assez normal dans la vie en communauté, et certes cela va continuer par la suite sans moi, mais en tout cas c’était une chance.

C’est principalement pour cet aperçu de la parentalité que je referais exactement le même choix, si c’était à refaire. J’avais beaucoup de questionnements et de doutes à ce sujet, même quand on essayait d’avoir des enfants, et j’ai trouvé beaucoup de réponses dans ces deux années de vie avec un enfant. J’ai pu moi aussi grandir un peu avec lui.
Je ressens vraiment cette chance d’avoir vu mon futur ex époux papa, sans que ça soit mon enfant. Et également d’avoir eu une place dans la vie de cet adorable petit être, une place dans son univers. J’espère qu’il ne m’oubliera pas.
Et puis je suis aussi heureuse d’avoir pu être de quelque assistance parfois, pour garder l’enfant ou pour décharger ses parents, dans la mesure de mes moyens. J’étais déjà convaincue qu’il faut tout un village pour élever un enfant, comme le dit l’adage, et j’ai pu constater à quel point c’était vrai. C’est d’ailleurs surtout ça que j’avais à l’esprit quand je pensais à l’idée d’un enfant dans un contexte polyamoureux : ça fait plus d’adultes pour s’occuper des enfants, ça ne peut qu’être bien pour eux. Je ne doute pas qu’il faut un nombre limité de référents, mais une large famille qui agit en soutien, c’est que du bonus.
Je crois aussi que j’ai pu tisser une relation plus proche avec la maman du petit bout. Ce n’était pas tout à fait évident au début, mais aujourd’hui j’ai le sentiment qu’on pourrait se considérer comme amies. En tout cas je pense qu’on se connait beaucoup mieux qu’il y a deux ans, et j’espère que l’affection qu’on a pu ressentir à certains moments au sein de ce foyer ne disparaîtra pas complètement des esprits par la suite.

Ce que je n’avais pas prévu, c’est la dissolution de mon couple dans cette histoire. Le papa s’est complètement investi dans ce nouveau couple et leur enfant, il n’avait plus de temps pour moi ni bien souvent pour lui-même, et je crois qu’il a coupé quand il pouvait cette relation qui l’encombrait de plus en plus.
Le fait est qu’on s’est progressivement éloignés, au fil de ces années. Il était de moins en moins investi, et je l’ai laissé faire. Je crois que ça s’est passé aussi doucement et simplement que possible. Et même si généralement, j’ai tendance à faire des coupures plus franches, et ne pas trop apprécier la transition de relation amoureuse à amicale, dans ce cas c’était un peu différent. Au moment où il a décidé de rompre, il n’y avait plus de sentiments passionnés. Une certaine affection demeure, on s’était peut-être un peu abîmés, mais on s’était surtout éloignés. Ca a été une déception, ça a été difficile, mais c’était aussi un bon moment pour le faire. J’étais bien entourée. J’avais eu le temps de développer au fil des ans mon autonomie et de m’investir moi aussi ailleurs. Tout en respectant jusqu’au bout ses engagements avec moi, il a pu sortir de cette relation, peut-être pas la tête haute, mais avec égards pour moi.
C’était sûrement une bonne manière de faire ça, et pour lui de transitionner de notre mariage vers leur nouvelle famille. Pour moi, le fait que la cohabitation ait continué après la rupture, sans tellement de changement au fond, cela m’aura permis de m’adapter en douceur à l’idée de vivre sans lui, de réfléchir à ce que je pourrai faire après, et de voir aussi que je ne suis pas abandonnée à moi-même quand on ne veut plus de moi. J’aime bien cette idée qu’une certaine solidarité perdure, et que les liens de type familiaux ou amicaux, même quand ils ne sont pas de sang, comptent quand même pour quelque chose.

Je ne jure pas de la suite, mais en tout cas, je suis plutôt fière de ce qu’on a vécu ensemble, ces deux dernières années, voire quatre ou cinq. Je crois qu’on grandit tous, on évolue, non sans douleur, mais sans cataclysme.
Et peut-être que même si on ne suit pas le même chemin, on n’est pas obligés de se perdre.

Et vous, quelle est votre expérience au sujet des enfants dans un contexte de polyamour?

Pomme d’api

« Par Osiris et par Apis regarde-moi, regarde-moi bien. Par Osiris et par Apis tu es maintenant… un sanglier. » (Les 12 travaux d’Astérix)

Il parait que les pommes ne font pas des chiens. Ou que les chats ne tombent jamais loin du pommier, un truc comme ça.

En parlant autour de moi, il m’a parfois semblé apercevoir des similitudes entre les difficultés rencontrées par des personnes dans leur vie amoureuse, et celles qu’elles avaient pu vivre dans leur relation avec leurs parents, ou des difficultés qu’elles avaient observé dans le couple que formaient leurs parents.

C’est assez logique. Si des parents ont du mal à exprimer de l’amour à leur enfant ou leur conjoint, cela a de bonnes chances de ne pas bien montrer à l’enfant comment exprimer de l’amour à son tour. Si des parents ne savent communiquer qu’en s’affrontant dans un combat d’ego, l’enfant aura peut-être un peu de souci à apprendre à communiquer autrement. Si les parents restent ensemble « pour les enfants » plutôt que pour eux pendant 20 ans avant de divorcer, l’enfant pourra envisager de faire la même chose, perpétuant ainsi la grande chaîne des couples qui sont ensemble « pour les enfants ».

Le comportement des parents et des autres adultes autour de nous a d’énormes impacts sur la construction de notre personnalité, sur nos habitudes profondément ancrées : c’est d’ailleurs un des sujets un peu inévitables lorsque vous allez voir un psy. Pendant cette période de construction de notre personnalité que constituent petite enfance, enfance et adolescence, on peut également être amené à développer une peur de l’abandon, une tendance à la dépendance affective ou à l’anxiété. L’hypnose régressive peut aider à analyser des comportements ancrés très profondément et complètement passés dans l’inconscient.
Le comportement des parents n’est pas toujours nourricier, et propice au développement de la petite personne qui deviendra par la suite adulte à son tour (mais pas toujours autonome pour autant). Sans aller jusque là, de petites crises émotionnelles peuvent engendrer des dysfonctionnements profonds qui entraîneront des années plus tard une dépression ou un autre trouble mental.

Parfois, quand l’exemple des parents est pris en défaut, on trouve d’autres exemples ailleurs : l’écoute active de l’adorable grand-mère, les marques d’affection de la gentille tante… Seulement, quand il s’agit de couple, il est possible qu’on ne pense plus à la grand-mère ou à la tante, et qu’on pioche plutôt dans les exemples de couples qu’on connait. Au début de notre vie amoureuse, y’en a pas forcément tant que ça. Alors la relation des parents est examinée de près.

Je me suis toujours posé des tas de questions sur le couple que forment mes parents. En voyant leurs différences de valeurs, de caractères et de centres d’intérêt, j’étais parfois surprise qu’ils continuent à rester ensemble. Leurs réponses à mes questions ne me semblaient pas convaincantes, mais ils n’avaient pas à me convaincre. Chacun prend ses propres décisions, et ce point était suffisamment clair pour moi dès le début.

A l’heure actuelle je me demande toujours en quoi leur exemple a pu influencer ma façon d’aborder les relations amoureuses, et si les problèmes que j’ai rencontrés se retrouvent tout ou partie de leur côté. Comme chez moi il s’agit de problématiques autour du polyamour, d’infidélité et d’années de mensonges, j’imagine que ce n’est pas très étonnant que j’aie du mal à y voir clair. Ces secrets sont généralement bien gardés.

Pour en revenir à la construction de mon caractère, j’ai apparemment pris un peu chez l’un, un peu chez l’autre, ce qui m’intéressait, et globalement entrepris de ne pas faire comme eux, ni ce qu’ils aimeraient, sans pour autant faire vraiment tout le contraire. De faire juste comme je veux moi, au final. Je crois que ça veut dire qu’ils se sont bien débrouillés.

Muses

“La solidarité reste une théorie, tant que l’homme voit d’un côté sa femme et ses enfants, et de l’autre l’humanité.” (10 petites anarchistes)

Pourquoi ce blog, au fond?

Pour l’instant, personne ne le lit. Manifestement, c’était pas pour la gloire et le rock’n’roll pour le sexe ça va merci, ou alors je m’y suis très mal pris.

En fait, quand j’ai commencé ce blog, j’étais en train de dévorer in extenso le blog d’une urgentiste, docadrénaline. Rien à voir avec le polyamour, vous me direz, et c’est tout à fait exact. C’est juste super prenant, entre technicité, humanité de la blogueuse et beaucoup d’émotion. Je crois que c’est vraiment cette lecture qui m’a donné envie de créer mon propre blog. Et il n’est pas impossible que tous ces bouts de phrase barrés viennent de là aussi.

Je crois que c’est en voyant qu’on pouvait raconter plein de choses sur la médecine d’urgence tout en respectant le secret médical, que j’ai commencé à imaginer raconter des choses sur le polyamour, sujet encore vaguement tabou/secret (enfin, dans mon esprit en tout cas). Je me suis dit que c’était important. On trouve pas mal de blogs en anglais sur les relations ouvertes et le polyamour, mais il n’y en a pas tant que ça en français. D’ailleurs si vous en avez à recommander qui ne figurent pas dans la page de Ressources, ça m’intéresse.

Donc je parle de polyamour. Pas que. Oui, parce qu’il n’y a pas que le polyamour, dans la vie y’a les patates aussi. Une de mes autres grandes découvertes de cette année, c’est le civisme. J’ai l’impression que c’est lié à toute cette démarche de recherche éthique dans ma vie. Un ami m’a parlé de relations ouvertes et éthiques, et je me suis plongée dedans. Un autre m’a parlé de secourisme, et je me suis fait former en tant qu’SST. Une amie m’a parlé de don de sang, d’ovules, d’organes et de moelle osseuse, et j’ai été donner mon sang pour la première fois (et puis quelques autres fois après) (et aussi mes plaquettes). Oui, je suis une vulgaire copieuse. 2018, l’année de l’éthique et de la solidarité. C’est pas très vendeur, mais ça fait du bien.

Ah, hum, et oui, je suis polyamoureuse et je donne mon sang. Comment? Ben, en mentant (un peu) au questionnaire. [Ne vous amusez pas à faire ça si vous ne pratiquez pas le Safe Sex!] Arg, on avait dit que je ne voulais plus mentir, non? Oui mais là, c’est vraiment pour la bonne cause. Le questionnaire va bien finir par évoluer, là pour l’instant il a quelques décennies de retard et il est naze. Bref, il s’avère que j’ai un super taux de plaquettes, donc je donne aussi mes plaquettes. Le site du don de moelle osseuse est un peu buggé, du coup je ne donne pas encore ça, mais un jour peut-être.

« Ah non moi je donne pas mon sang, j’aime pas les piqûres. » Non mais j’aime pas non plus les piqûres, en fait. C’est normal, c’est pas très agréable. Cela dit le personnel de l’EFS est plutôt compétent en la matière, ça fait pas bien mal. Mais surtout, c’est pas une raison pour ne pas donner! Vous êtes bien content, quand vous avez besoin d’une transfusion, que quelqu’un d’autre qui n’aime pas les piqûres ait été donner son sang quand même, non? Réfléchissez, est-ce que vous avez déjà eu besoin d’une transfusion? Est-ce que vous en aurez peut-être besoin dans le futur? Ouais, sûrement. Et bien il est temps d’aller donner, histoire qu’il y ait du sang à transfuser.

Ah oui, et donc, formation SST : Sauveteur Secouriste du Travail. C’est on va dire le  niveau 0 ras-les-pâquerettes pour les nuls du secourisme. Mais pour moi c’est déjà beaucoup! Je suis pas très douée en situation d’urgence. Je fais tout ce qu’il faut pas faire : je panique, je réfléchis trop, je reste à regarder la gueule ouverte. Alors une formation pour les nuls, c’est pratique, ça correspond à mon niveau.

Je crois qu’elles sont toutes à peu près pareilles ces formations, avec un format et un contenu standards définis par l’INRS (vous trouverez plus de détails ici) et une habilitation SST à la clé. Pour moi, totalement néophyte en secourisme, c’était surtout l’occasion d’apprendre des gestes qui sauvent : comment faire un massage cardiaque sur un de vos collègues s’il s’écroule dans l’open space sans crier gare, comment faire Heimlich sur un bébé qui vient d’avaler un bouchon et s’étouffe, comment utiliser un DAE (Défibrillateur Automatisé Externe)…

C’est l’occasion aussi de voir une collègue défaillir à l’idée de son (vrai) bébé qui s’étouffe, et la voir partir pleurer dans le couloir, incapable de pratiquer le geste. (bon ben ce sera pour une prochaine fois!)
Une autre collègue qui parle de comment elle a secoué son bébé en le tenant par les pieds pour le faire recracher un machin qui l’étouffait. Et qui venait se faire former pour savoir comment réagir au mieux la prochaine fois, et paniquer un peu moins.
Je pense que la panique est assez normale quand on ne sait pas comment réagir. Le geste correct qui sera efficace dans telle ou telle situation n’est pas forcément évident.

Tout aussi important au final, c’est d’apprendre quoi faire dans quel ordre [j’ai retenu « PAS » = Prévenir (éviter tout risque de sur-accident), Alerter (appeler les collègues, faire le 15), Secourir (faire les gestes qui sauvent)].

Tout ça est réactualisé régulièrement avec les techniques les plus « à la pointe », quelques menus ajustements, c’est pour ça qu’il faut être « réhabilité » tous les 2 ans, ce qui permet en outre de refaire un peu de pratique de temps en temps. C’est pas tous les jours qu’on utilise les méthodes et les gestes qui sauvent (et c’est tant mieux).

Bref, que ce soit une formation de SST, de secourisme de la protection civile, si c’est possible d’apprendre les bases du secourisme, faites-le. Les gens autour de vous vous en remercieront.

Mais comment vous faites?

« Ne renie rien,
Transcende tout,
Et point ne crains
De sembler fou. »

Quand on parle polyamour autour de nous, les gens demandent pas mal d’explications. Généralement ils n’ont jamais entendu parler du sujet, et tout cela sort complètement de leur cadre de référence. Voici les réponses qu’il m’arrive de donner.

  • Comment on peut être amoureux de deux (ou plus) personnes en même temps?
    => Si ça ne vous est jamais arrivé, c’est compliqué de l’imaginer. Pour ma part, ça a toujours été le cas : il m’arrive de tomber amoureuse, de me mettre en couple, et au bout d’un moment, quand la relation est stabilisée, je regarde à nouveau autour de moi, je m’ouvre à de nouvelles personnes et je peux tomber amoureuse de quelqu’un d’autre. Cela ne change pas mes sentiments et mon investissement dans la ou les relations précédentes.
  • C’est pas un cercle vicieux du coup, qui pousse à toujours avoir davantage de partenaires jusqu’à ce que chaque relation se retrouve réduite à rien et explose en morceaux?
    => Non. Si toute mon énergie est déjà allouée, je n’aurai pas tendance à m’ouvrir à d’autres, ce qui « gèle » la situation tant qu’il n’y a pas d’évolution interne dans mes relations existantes.
  • Si on vous invite à dormir chez nous, combien de chambres il faut prévoir ?
    => C’est une excellente question, merci de l’avoir posée. Et merci de nous inviter tous les 4, aussi. Nous, en ce moment, on se débrouille avec 2 chambres (s’il y a) ou moins (c’est moins confortable mais on a déjà dormi dans des salons, sur un canapé et un matelas gonflable par exemple). Idéalement, on ne dort pas tous ensemble.
    Les pratiques nocturnes sont vraiment propres à chaque famille poly, et il vaut mieux poser la question le moment venu de toute manière.
  • Vous faites comment entre votre maison et leur appart en ville?
    => On s’organise, semaine après semaine, selon les contraintes du boulot de chacun, les sorties prévues en soirée et les envies ponctuelles, pour que chaque relation ait du temps dédié, et qu’on passe aussi du temps à 3 ou à 4. Heureusement que les agendas partagés existent, moi je vous le dis.
  • Moi je pourrais pas, je suis trop jaloux/se!
    => Pauvre bichon. Ça doit être terrible de gérer toutes ces émotions qui t’assaillent. Apparemment, le fait de ressentir de la jalousie ne t’empêche pas de vivre des relations amoureuses. Peut-être que tu sautes vraiment à la gorge de la première personne qui s’approche un peu près de ton/ta partenaire. Si c’est le cas, j’ai tendance à penser que tu n’es pas apte aux relations amoureuses, qu’elles soient mono ou poly.
    J’ai toujours eu du mal avec les gens qui se disent jaloux. Il me semble que ça ne veut rien dire, être jaloux. Il t’arrive sûrement de ressentir de la jalousie, oui, plus ou moins souvent, mais probablement pas plus souvent que de la colère, de la peur, et tout un tas d’autres émotions. Est-ce que tu es colérique ou peureux pour autant?
    Ressentir de la jalousie, ça arrive à tout le monde. Je n’ai jamais été très portée dessus, mais ça m’arrive quand même. Quand je ressens cette émotion, je commence par ne pas m’en prendre à une personne tierce : s’il y a un souci, c’est entre mon partenaire et moi qu’il pourra être résolu. Je réfléchis, et éventuellement, si je n’arrive pas à résoudre le souci moi-même (en me disant que je suis idiote, que j’ai peur de tout et n’importe quoi et que la réalité est toute autre), j’en parle avec mon partenaire (en privé), soit sur le moment soit plus tard, selon la gravité de ce que je ressens et s’il est possible de s’isoler rapidement. La discussion sera l’occasion de bien analyser et comprendre les tenants et les aboutissants de la situation, et éventuellement que mon partenaire me rassure.
    Et j’ai tendance à penser que si tu ressens trop souvent de la jalousie, le polyamour est fait pour toi! Ce sera l’occasion d’affronter tes peurs, d’y faire face avec courage et dignité, et de travailler sur tes émotions et leur analyse. Pas moyen de botter en touche sous couvert de possession (illicite) du corps de ton partenaire : il faudra trouver d’autres moyens plus pérennes de te rassurer, comme par exemple prendre conscience de la valeur que tu as aux yeux de ton partenaire, peu importe ce qu’il partage avec d’autres.
  • Mais vous êtes mariés, vous deux?
    => Oui, on est mariés. Cet engagement a toujours du sens pour nous, même si bien sûr, on n’est pas tenus à une clause d’exclusivité sexuelle ou émotionnelle. Peut-être qu’à terme on aimerait être mariés à une ou deux autres patates personnes, ce qui est juridiquement impossible à l’heure actuelle, mais qu’importe. On se débrouillera en temps utile pour officialiser nos autres engagements comme on pourra.
  • Et les enfants, vous avez pensé aux enfants?
    => Un jour on en aura peut-être, et je pense que ça serait plutôt chouette si on est une ou deux paires de mains en plus pour les porter, les langer et les choyer. Voilà le fond de ma pensée. Bon et puis expliquer une famille poly, ça ne me semble pas vraiment plus compliqué que d’expliquer une famille recomposée, et les enfants s’en sortent très bien à ce que je sache.
  • Mais si vous aimez une autre personne davantage, ce n’est pas un risque pour votre mariage?
    => Non. Je vois bien d’où vient cette question : dans la conception monogame des relations, si on est vraiment attiré / si on aime quelqu’un d’autre, on a le choix entre la frustration de rester sagement dans son couple en se mettant des œillères, tromper, ou rompre avec son précédent partenaire pour se mettre en couple avec la nouvelle personne. Tous présentent un risque élevé pour le couple.
    Les choix ne sont pas les mêmes en relation polyamoureuse. Si on aime quelqu’un d’autre, un peu, beaucoup, passionnément, on n’a pas à rompre nos autres relations amoureuses pour autant. Chacune peut suivre son cours tranquillement, et (normalement) une relation ne présente pas de risque pour une autre.
    C’est d’ailleurs un peu compliqué de hiérarchiser qui on aime le plus. Chaque relation est unique. J’aime chacun de mes partenaires pour des raisons différentes : la gentillesse et la bonne humeur de l’un, l’indépendance et l’énergie de l’autre… Ils ne sont ni interchangeables ni remplaçables.
    Même quand on est en pleine « lune de miel » avec quelqu’un d’autre, et que notre mariage peut paraître moins passionné, il nous apporte quand même des choses importantes et irremplaçables, comme la stabilité et la connaissance étendue qu’on a l’un de l’autre.
    Peu importe les autres relations qu’on peut avoir, on a quand même envie de se voir, de passer du temps ensemble, de se confier l’un à l’autre, de continuer à investir dans notre relation.
    Notre relation n’est en danger que de nous-mêmes : si la relation cesse de nous apporter du bonheur, on se posera la question d’y mettre un terme. Mais ce risque ne vient pas de l’extérieur.
  • J’ai déjà du mal avec une seule femme, t’es fou d’en prendre plusieurs!
    => D’abord, oui, j’en conviens, c’est un petit acte transgressif de sortir des sentiers battus des relations amoureuses. Et oui, si tu as du mal à gérer une relation amoureuse, effectivement, ça serait probablement encore plus compliqué avec plusieurs. Encore que. Peut-être que si vous êtes un peu moins tout le temps en présence l’un de l’autre, vous ne prendriez plus l’autre pour acquis, et vous redécouvririez peut-être pourquoi vous avez envie de passer du temps ensemble.
    Dans tous les cas, si ton couple exclusif a des problèmes, c’est pas forcément le moment d’essayer de le transformer en relation non-monogame. Par contre ça serait bien de régler vos problèmes plutôt que de vivre avec. On n’a qu’une seule vie, hein. Personnellement, je trouve que c’est mieux de la passer dans le bonheur et l’harmonie.
  • Pourquoi tu nous parles de ta vie sexuelle? C’est intime!
    => Si à ce stade vous n’avez pas compris que je parle de relations amoureuses, je ne sais pas trop quoi faire pour vous. Dans « polyamour », y’a pas le mot sexe, si? Y’a quel mot? Bon.
    Avec mon époux, on s’est mariés, avec une centaine de nos proches autour de nous, qui étaient tous ravis pour nous (enfin je crois). C’était pas pour étaler notre vie sexuelle (même si elle va très bien merci) ; c’était pour leur présenter quelque chose qui les regarde (socialement parlant) : l’union de deux personnes qui s’aiment, et qui veulent le dire au monde entier (et qui partagent un projet de vie commune).
    Donc là c’est la même chose, c’est juste pas 2 personnes, enfin si, c’est 2 + 2 + 2 (ce qui fait 4 + un chat, et non pas 6. J’ai dit que ça les regardait, pas que c’était simple, hein).
    Certes, il y a une composante sexuelle à ces relations amoureuses. Est-ce que ça vous regarde? Pas spécialement. Si je vous en parle, c’est en toute confidence. Vous préfériez ne pas le savoir? Trop tard. Et si on parlait plutôt de comment faire pour que viviez bien avec cette information?

Polyfertilité

C’est dingue, cette histoire ! C’est pas parce que vous faites des tartes pour des petits-enfants qui existent pas que je dois les emmener à la pêche !

Leodagan, Kaamelott

C’est pas simple, l’infertilité, et je crois que ça ne l’est jamais. Ajoutez à ça des patates le polyamour, et vous obtenez… un article de blog je suppose.

La série de Netflix « You Me Her » aborde le sujet de l’infertilité – dès le début, en fait, c’est d’ailleurs le ressort qui propulse le couple marié protagoniste vers le polyamour – Spoiler : ils n’arrivent pas à concevoir, on leur dit qu’il leur faut plus de sexe, ils décident tous les deux (mais chacun de son côté) de draguer une fille pour booster leur vie sexuelle et hop, ils tombent amoureux tous les deux de cette fille. Ne vous fiez pas au pitch, la série est vraiment bien.
Le sujet de l’infertilité est ramené sur la table plus loin dans la série, quand le couple marié apprend qu’ils doivent passer par une mère porteuse pour pouvoir avoir un enfant, et qu’ils proposent à leur licorne préférée de prendre le rôle : c’est déjà suffisamment compliqué à 3, si on peut éviter d’ajouter encore une personne (la mère porteuse) dans cette histoire!

Pourquoi cette introduction tourne-t-elle autour du pot? Ben, parce que c’est compliqué comme sujet.
L’infertilité, c’est frustrant. Pour avoir un gentil SOPK, je peux vous dire que dès qu’on prononce le mot infertilité, il s’ensuit généralement des procédures médicales allant du lourd au méga-chiant, et pas mal de raisons possibles de déprimer. Parfois ça peut prendre des années de procédures médicales lourdes et invasives. Parfois on ne s’en sort pas, et il faut renoncer, ou adopter. Parfois ça marche, mais pas du tout comme prévu (ça, vous me direz, c’est le lot de toute conception). Parfois quand ça marche, c’est plus le bon moment. Parfois on se dit que ça serait plus simple d’arrêter et de monter un club de lecture à la place. Parfois on a l’impression que l’univers essaie de nous faire passer un message. Parfois on lutte contre son propre corps. Parfois on a l’impression que c’est perdu d’avance.

Je suis pas là pour dire qu’il faut s’accrocher. Pour ma part, je ne suis pas sortie des ronces. J’ai envie d’enfants, mais ce n’est pas trop le moment pour le ou les géniteurs potentiels. Et si c’était le moment, je ne sais pas si je pourrais concevoir, rapport à l’infertilité. En outre, on n’est plus seulement deux dans l’équation, et tout est plus compliqué, en tout cas pour le moment. Je suis entre deux eaux, dans le brouillard.
Je reste convaincue que ça s’arrangera en temps voulu.
Comment… On verra bien.

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