Souvenirs souvenirs

« J’aurais des tas de choses à dire, et peut-être en dirai-je même quelques-unes. »

Le cycle des Princes d’Ambre, Le signe de la licorne

J’ai toujours été polyamoureuse. Mais ça n’a pas toujours jamais été simple. Petite rétrospective de l’évolution de mes relations (amoureuses).

Il parait qu’au jardin d’enfants déjà, j’embrassais les garçons à tour de bras. Et peut-être bien les filles aussi. Au primaire, j’étais surtout bien quand j’étais seule. Les garçons qui s’intéressaient à moi étaient tenus à bonne distance. Et je ne m’entendais pas toujours très bien avec les filles.

On va passer rapidement sur les amourettes d’adolescence. Parmi mes camarades, il n’y avait jamais un seul garçon qui m’attirait, plutôt quelques-uns. Du coup tout était mis dans un grand sac « a priori ça ne fixe pas mon attention, et il y a d’autres choses qui me passionnent plus ». J’avais par ailleurs des amies dont je me sentais très proches. Je ne ressentais pas pour autant de l’engagement, mais ces relations étaient plutôt basées, pour moi, sur une compréhension, une appréciation et une affection mutuelles.

La première fois que je me suis retrouvée en relation amoureuse avec deux garçons en même temps, pendant le lycée, ça entrait encore pas trop mal dans le cadre « normal » des relations : j’avais une relation à distance où on se voyait plutôt pendant les vacances, et une relation platonique avec un voisin charmant mais qui ne m’attirait pas. La relation platonique a pris fin lorsque le gentil voisin a décidé qu’il voulait plutôt construire un couple basé sur une attirance réciproque, ce qui me parait tout à fait sensé.

La relation à distance a perduré, pendant qu’en parallèle je tombais lentement amoureuse d’un camarade d’études post-bac. D’une relation proche, platonique, tendre et câline, ça a fini par devenir plus platonique du tout, sans pour autant qu’on passe le pas d’envisager notre relation comme « sérieuse ». Comme j’étais déjà engagée dans un couple (ma relation à distance), on n’avait aucun avenir, n’est-ce pas. Du coup cette belle relation (ignorée de mon chéri à distance) devait prendre fin quand nos études communes s’achèveraient.

Ça n’a pas vraiment été le cas, puisqu’à la fin (présumée) de nos études, on a disparu de la surface du monde ensemble pendant une semaine, à l’issue de laquelle mon chéri longue-distance avait appris que j’avais un autre amoureux sur place. Il m’a demandé de choisir, et en pesant le pour et le contre, sans grande surprise, l’amoureux sur place, avec lequel j’avais déjà partagé un semblant de vie commune épanouissante même si on n’était pas engagés l’un envers l’autre, l’a emporté sur le chéri longue distance, mal dans sa peau et qui ne répondait pas bien à mes demandes d’intégration sociale. Quelques années plus tard, avant que je n’aie plus aucune nouvelle, il me disait qu’il avait compris pourquoi j’avais rompu avec lui. Je ne sais toujours pas ce qu’il avait compris, il ne me l’a pas dit.

Pour ma part je n’avais pas vraiment compris pourquoi il fallait choisir une seule relation amoureuse quand il y avait fondamentalement de la place pour plusieurs. Ce qui s’est vérifié à nouveau lorsque mon amoureux sur place, alors fiancé, s’est retrouvé à distance, et que j’ai commencé une relation avec un camarade de classe. Cette fois, j’ai essayé la transparence. On s’était déjà posé la question « Qu’est-ce qui arrive si on tombe amoureux de quelqu’un d’autre? » et à défaut d’avoir trouvé une réponse toute faite, le sujet était ouvert. Sauf que mon fiancé à distance était mal dans sa peau cette année-là (coucou la dépendance affective qui te pourrit la vie!) et la nouvelle relation n’a pas été bien accueillie.

Là il y a eu du vilain. On n’était pas préparés à faire face à la dépendance affective, on ne disposait ni des bons outils ni d’exemples qui auraient pu servir de modèle. Aimer plusieurs personnes à la fois c’était déjà vu comme pas très moral, on pouvait laisser tomber l’éthique du coup. On a fait comme on a pu, en improvisant au fur et à mesure et en dégradant petit à petit notre modèle relationnel. Usage d’un veto. Camouflage de la relation véto-isée, qui avait néanmoins une date de fin, annoncée à la fin d’année, moment où je retournerais vivre avec mon chéri qui ne kiffait pas trop la distance. Refus d’accepter cette fin programmée le moment venu, par celui qui avait lui aussi développé une dépendance affective envers moi (note pour l’avenir : se méfier du passif suicidaire, c’est pas bon signe). Tentative de faire rompre mon fiancé avec moi en révélant le camouflage passé. Échec de la tentative, le camouflage reste en place. Reconstruction lente et jamais vraiment complète de la confiance de mon fiancé (à cause du camouflage resté plus ou moins en place).

Dans ce contexte de reconstruction de la confiance, j’ai essayé de me tenir à carreau. J’ai vraiment essayé. J’ai été attirée, mais je n’ai pas agi dessus. Et puis quelques années plus tard, j’ai été à nouveau attirée, par un collègue de mon fiancé. On s’est rapprochés gentiment, et de confidences en confidences, on a développé des sentiments. C’était devenu un ami commun à moi et mon fiancé. Il était assez non-conventionnel,  pratiquait les relations libres, le sexe amical (traduction approximative de casual) et d’amis, on a fini par passer à amis-qui-couchent-ensemble. Il y avait beaucoup d’affection entre nous, et entre lui et mon fiancé. Lequel n’était pas au courant de la partie sexuelle, qui a pris fin sans qu’il l’apprenne, lorsqu’on s’est éloignés assez naturellement.

J’étais alors attirée par quelqu’un d’autre. Un homme marié, très séduisant. J’en ai parlé à mon fiancé, qui se sentait très menacé à l’idée que je tombe amoureuse de quelqu’un d’autre. La dépendance affective était encore là, le camouflage aussi qui minait la confiance. A défaut d’une relation ouverte, j’ai commencé une nouvelle relation cachée. Ça a été des années de montagnes russes émotionnelles. J’ai rompu et repris plusieurs fois cette relation amoureuse aussi riche que fragile. Très peu de personnes étaient au courant et pouvaient nous soutenir dans les moments compliqués. Là encore il semblait impossible de sortir du schéma de l’infidélité et d’une relation sans avenir. On cherchait pourtant un moyen d’être tous heureux, mais il n’y en avait pas, pas en partant d’un énorme mensonge.

Et puis un jour, tout s’est éclairci. Mon fiancé, maintenant époux, a tout appris. Par négligence de ma part ou acte manqué, le camouflage a volé en éclats, après tant d’années. Et ça n’a pas été la fin du monde, enfin en tout cas pas longtemps. Mon époux était, en fait, polyamoureux aussi. Maintenant que je disais la vérité, il pouvait me faire confiance. Maintenant qu’on était sincères l’un envers l’autre, on pouvait être bienveillants. Il y avait des années de mauvaises habitudes à changer, notre état d’esprit et notre communication à revoir chacun de notre côté, et ensemble. On n’était plus les personnes d’il y a dix ans, on pouvait faire face et éradiquer la dépendance affective. On était entourés, par les meilleurs soutiens du monde. On pouvait enfin repartir du bon pied. Enfin.

Pour autant, ça n’a pas été une partie de rigolade. Transformer une relation monogame exclusive (enfin, en théorie) en relation ouverte, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Il a fallu qu’on rencontre les bonnes personnes, ces deux personnes en couple qui allaient devenir nos compagnons respectifs. Et puis il a fallu beaucoup de patience, et de travail sur soi. Et beaucoup de temps, pour bien communiquer, pour que tout se passe bien pour tout le monde. Il en faut encore beaucoup aujourd’hui.

Je crois qu’il y a toujours beaucoup à faire, quand on vit selon ses propres lois. C’est pas simple, mais c’est la seule manière dont je veux vivre aujourd’hui.

Auteur : polypatate

Patate polyamoureuse

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