Amie de Poly

Et si on parlait des personnes amies avec des personnes qui pratiquent le polyamour ? Car certes, je ne suis pas polyamoureuse, mais j’ai des ami-e-s qui le sont. Et si le polyamour gagne en visibilité (ce qui est chouette), je ne suis pas encore tombée sur des témoignages d’amis, ou de membres de la famille de ces personnes. Et je me disais que cela pouvait être intéressant d’écrire quelques lignes à ce sujet ici (et si ça ne vous intéresse pas, il y a plein d’autres articles chouettes sur ce blog, voguez donc au fil des mots-clefs).


Polypatate expliquait ce que cela faisait de voir son amoureux tomber amoureux d’une autre, et de voir des relations se créer. Je vais relater ici ce que ça fait d’assister à cela d’un point de vue plus éloigné. Car oui, lorsque j’ai rencontré mes amis actuels, le polyamour n’était pas encore présent, et en apparence, je ne voyais que des couples exclusifs hétérosexuels cisgenres. Puis l’arrivée « officielle » du polyamour dans mon cercle d’amis a mené à plein de moments différents.

Il y a les moments étranges, quand on apprend que des relations extra-conjugales ont lieu sans qu’une des parties soit au courant. Quand cela se sait, quand on voit les changements physiques de ses amis après des jours et des semaines de discussions, de crises, d’explications, de remise à plat. Il y a les moments curieux, lorsque l’on apprend un peu tardivement les nouvelles relations amoureuses ou intimes, un peu timides, un peu surprenantes quand on ne s’y attend pas. Il y a des moments complices, où on assiste à ces tâtonnements, où on aperçoit un baiser rapide dans la cuisine, des regards en coin dans le salon, des mains qui se tiennent, un doigt qui caresse une épaule. Il y a les moments tristes, car avoir plein d’amoureux-ses, c’est aussi avoir potentiellement plein de ruptures. Il y a ces moments remue-méninges, quand on essaie de résumer à un ami les statuts des uns et des autres à base de diagrammes, de flèches multidirectionnels et de petits cœurs. Et il y a les moments vraiment inattendus, quand le fruit d’une union voit le jour, et que ce n’est pas à cette union-là qu’on pensait lorsqu’on a rencontré toutes ces personnes il y a 5 ans.

Et moi, dans tout ça, quelle est ma place ? Mon couple monogame peut-il s’adapter à ces agendas multiples, à ces couples qu’on invite et qui changent parfois d’une soirée à une autre ? Oui, bien sûr que oui. Si l’on ouvre son esprit, si l’on écoute ce que ses amis ont à dire, si l’on respecte ces choix, et si tout le monde dans ce petit groupe est adulte et consentant, alors où est le problème ? Au pire, il suffit de clarifier que « je ne suis pas polyamoureuse et je ne cherche pas d’autres relations amoureuses ou intimes » pour que tout malentendu se dissipe.

Etre amie de poly, c’est être amie avant tout. Etre dans l’écoute, le partage, le conseil éventuellement, la bienveillance, le respect. Rencontrer les différents amoureux-ses d’une personne, discuter, échanger. Voire même, proposer de nouvelles rencontres quand les conditions s’y prêtent. Tout ce qui peut faire de nous une personne « safe ». Essayer, en tout cas.


Et vous, avez-vous des connaissances, des ami-e-s qui pratiquent le polyamour ? Comment trouvez-vous votre place parmi elles, parmi eux ?

Le déconfinement des seins

Tout comme le confinement, le déconfinement en mai dernier a été une période fort intéressante. On a doucement repris l’habitude de sortir de chez nous, de voir des amis, au début ça faisait bizarre. Et puis il y a des habitudes qu’on a essayé de ne pas reprendre, aussi. En tout cas on y est plus attentif qu’avant. Ca serait chouette, de continuer à faire attention à la planète, et à nous. De garder du télétravail là où on peut en avoir. De poursuivre les apéros virtuels avec la famille ou les amis qu’on ne voit pas souvent, de sauvegarder le lien social, et de continuer à préserver la santé des autres.

Au déconfinement, la première chose que j’ai faite, c’est aller me faire tatouer. J’ai déjà parlé de cette séance de tatouage ici, mais je n’avais pas parlé d’une conséquence imprévue de ce tatouage : je me suis fait tatouer le dos, et pendant la cicatrisation, il était hors de question que je porte un soutien-gorge. Alors je n’en ai pas porté. Je m’inquiétais un peu à cette idée. J’avais tellement l’habitude d’en porter! Tous les jours, tout le temps, depuis que j’étais adolescente. C’était un équipement de base pour moi, aussi systématique qu’une culotte. Les deux allaient ensemble d’ailleurs, et visuellement, ça me choque encore de me voir en culotte et sans soutien-gorge.

Et puis il y avait plein de questions derrière. Le regard des gens tout d’abord, qu’est-ce qu’ils risquaient de penser? De mes seins en forme de poire, qui tombent, en fait, ce que le soutien-gorge cachait habilement jusque là? Et si jamais mes tétons pointaient? Bon, étant encore la plupart du temps en télétravail, j’ai relativisé. Et puis je connaissais quelques femmes de mon entourage qui se passaient à l’occasion ou très largement de cet accessoire. L’une d’elles avait une poitrine plus opulente que la mienne, et elle m’avait dit que ça ne lui faisait pas spécialement mal au dos, qu’il ne se passait en fait rien de spécial quand elle ne mettait pas de soutien-gorge. Mais elle évitait quand même de le faire au travail, question d’image, de crédibilité dans un milieu assez masculin. Et je me demandais comment ça serait pour moi. J’avais l’impression d’avoir déjà eu mal au dos quand je ne mettais pas de soutien-gorge (ça m’était arrivé quelques fois, quand je portais un vêtement avec une sorte de coque de poitrine intégrée, qui évitait au moins que les tétons pointent de manière visible). Est-ce que le mal de dos était lié de quelque façon à l’absence de soutien-gorge, ou est-ce que j’avais dormi dans un autre lit que le mien ou dans une mauvaise position, ou fait beaucoup de voiture ou du sport, ou n’importe quoi d’autre? Aucune idée. Est-ce que mon environnement de travail était plus adapté à l’absence de soutien-gorge que celui de mon amie? Peut-être, mais je n’en étais pas tellement sûre. Et bien qu’il y ait mention dans le règlement intérieur d’une tenue adaptée au travail, pas de shorts pour les hommes, pas de robe de clubbing je suppose pour les femmes, il n’y avait rien concernant les sous-vêtements, et il faut bien dire que c’est un peu normal : a priori mes sous-vêtements ne regardent que moi.

La plupart de mes questions n’avaient qu’une réponse à ce stade : on verra bien, il n’y a pas 36 façons de savoir, il faut essayer. Comme de toute manière je n’allais pas mettre de soutien-gorge serré sur la peau à vif de mon dos, autant me faire à cette idée. J’ai choisi des vêtements assez épais et qui n’attiraient pas trop l’œil ; au début de toute manière comme mon tatouage dégorgeait de l’encre, je portais mon habituel polo noir en coton à manches courtes. En mai il faisait chaud, je ne pouvais pas beaucoup plus m’habiller. Et si mes tétons pointaient, ben tant pis. Si quelqu’un me faisait une remarque, j’avais l’excuse de mon tatouage, encore emballé dans du cellophane et qui faisait un bruit de sandwich froissé dès que je bougeais. Et je suis allée travailler comme ça.

Bon, je vous la fais courte, il ne s’est rien passé. Ni ce jour-là, ni aucun des autres jours depuis. Je ne mets plus de soutien-gorge, et voilà, on s’en fout. J’ai aussi remarqué que d’autres femmes dans le bâtiment n’en mettaient pas. Je n’avais jamais remarqué jusque là. Et c’est cool, et on s’en fout aussi en fait. Peut-être que c’est seulement parfois, ou seulement l’été, je ne sais pas. Moi je n’en mettais pas parce que mon tatouage cicatrisait. Et puis ensuite, je n’en ai pas remis, parce que je voulais montrer mon tatouage dans le dos, et que je ne voulais pas couper l’image en faisant passer une lanière de soutien-gorge en plein milieu. Et puis je me suis habituée à avoir les seins déconfinés. A avoir les tétons qui pointent parfois quand il fait frais. A sentir le tissu bouger contre ma poitrine. A cette impression à la fois d’avoir les seins qui tombent, et à la fois d’une sensualité redécouverte. Je me sens encore un peu nue, sans soutien-gorge, mais j’aime la sensation, en fait. Alors maintenant, je ne mets juste plus de soutien-gorge, tout court. Je sors comme ça, et j’essaie de marcher toujours droite et fière, avec des seins en forme de seins. J’ai encore un soutien-gorge qui traîne dans ma chambre, abandonné sur un tabouret. C’est le dernier que j’ai remis après le déconfinement, je ne l’ai porté qu’un jour ou deux, alors je ne l’ai pas mis au sale, mais je ne l’ai pas non plus reporté. Il traîne comme un pull en laine en plein été, parce qu’il a été porté il n’y a pas si longtemps, quand il faisait frais dans notre grotte, il n’est pas vraiment sale, mais pas propre non plus.

J’ai aussi fait du sport sans soutien-gorge. Du cheval, de la danse. Ca apporte à chaque fois son lot de questionnements, et de sensations. Le mouvement du cheval au trot fait tressauter les seins, évidemment. La présence d’un soutien-gorge ne change pas fondamentalement cet état de fait d’ailleurs. Si quelqu’un a remarqué quelque chose, personne ne m’en a rien dit. Je me suis aussi rendu compte que le soutien-gorge protégeait quand même un peu les seins, et qu’en balade en extérieur, si mon cheval m’emmène dans des ronces, j’ai tendance à protéger la peau fine des seins avec mes bras, du coup. Pour ce qui est de la danse, c’est un sport où on met son corps en scène : ce corps avec ces seins en forme de seins, qu’il faut pouvoir bouger librement sans s’exhiber. Je trouve que pour le coup, c’est plus confortable sans soutien-gorge, avec des vêtements près du corps. Mes seins ont trop tendance à se carapater quand je bouge vraiment, et d’habitude il fallait tout le temps que je remette mon soutien-gorge en place. Une brassière de sport tient mieux en place, malgré tout ça sortait quand même quand je faisais du kung fu. Là, je n’ai plus besoin de toucher à rien, tout tient en place tout seul 🙂 Et si mes tétons pointent, je crois que c’est pas trop grave, on voit aussi un peu ceux de la prof à travers sa brassière de sport sans bretelles « que je sais pas comment ça peut bien tenir ».

Mes seins aiment bien être déconfinés, je me sens bien comme ça. Je pense que ça a un lien avec ma démarche autour de la nudité de ces dernières années, avec la photo de nu artistique dans la nature, les clubs, saunas libertins, camp naturiste où j’ai pu me balader nue au milieu d’inconnus, le body painting nue en forêt, la revendication de mon image, de mon corps, de mon corps nu. Je me suis aussi interrogée sur les raisons pour lesquelles je portais un soutien-gorge jusque là. Ca remonte aux souvenirs d’enfance, à l’école, ce monde qui se veut toujours plus aseptisé (c’est un gros débat en ce moment, sur ce qu’est une tenue décente, et jusqu’où on peut aller dans les interdits vestimentaires et la régence des sous-vêtements de jeunes gens qui ne devraient vraiment pas avoir à s’en soucier davantage que moi quand je vais au travail) ; à l’école, on est en tout cas généralement poussé à faire comme ses camarades, pour s’intégrer. Je me rappelle vaguement de ce prof de sport au collège qui m’avait fait une réflexion dérangeante sur le fait que mes seins commençaient à faire un pli sous mon t-shirt. Harcèlement sexuel, c’est plutôt clair dans ma tête aujourd’hui, mais à l’époque, ça m’avait juste fait rougir comme une pivoine et commencer à mettre des brassières. Ni pour moi, ni pour faire comme les autres (ça n’a jamais été une grande préoccupation pour moi), mais pour que le prof de sport ne me fasse pas de nouvelle remarque à ce sujet. En y repensant, ça me fait hurler intérieurement…

Je me suis aussi baladée sans culotte un peu cet été, pendant la saison des jupes et des robes. Ce n’est pas aussi indispensable qu’il n’y parait. Mais ce n’était pas non plus anodin pour moi. Il y a quelques années, j’ai subi une agression sexuelle, un soir d’été où j’étais sortie seule en ville, en robe, et sans culotte. Mon agresseur s’en était pris à une femme isolée qui rentrait tranquillement chez elle, l’agression avait eu lieu en bas de chez moi, dans un quartier assez calme. Cet évènement a été assez traumatisant et stigmatisant pour moi. Ne pas porter de culotte, ça me fait flipper, même quand je reste juste chez moi, simplement parce que ça me renvoie à cet évènement. Mais je crois que je commence à mettre ça derrière, enfin.

Après c’est joli, la lingerie, je ne dis pas le contraire. Là je ne porte plus de soutien-gorge, mais je ne dis pas que je n’en reporterai pas à un moment. Je trouve que c’est une belle expérience, en tout cas, d’essayer de s’en passer pendant un moment. Pour déconstruire quelques idées préconçues, pour se réapproprier ses seins, son corps. Il y aura toujours des gens qui trouveront ça choquant, de voir des tétons qui pointent (mais pas les seins qui tombent, ça ça va), une femme en jupe courte, un homme en jupe, une femme qui sort avec un décolleté, une femme qui sort sans voile, une femme qui sort voilée.. Heureusement ces personnes ne décident pas comment on a le droit de s’habiller, puisqu’on est encore dans un pays où c’est la liberté de chacun, et où on n’a pas le droit de mal traiter, de violenter, de violer quelqu’un simplement parce qu’il n’est pas habillé comme on voudrait qu’il le soit. Ni de le faire chier, idéalement.

Je voudrais au passage adresser un grand merci, bravo, et tous mes encouragements, aux femmes qui ne portent pas de soutien-gorge, parfois, souvent, tout le temps, à celles qui envisagent de tenter l’expérience, et à toutes les femmes et les hommes qui jouent avec les vêtements et les sous-vêtements genrés, qui participent à déconstruire nos idées préconçues et nos croyances limitantes à ce sujet. L’égalité, la liberté et le respect de tous passe par les vêtements et les sous-vêtements, j’en suis convaincue.

Et vous, quand est-ce que vous déconfinez vos seins?

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