Coincée

« C’est la vie : soyez confiant et on vous trahit, soyez méfiant et vous vous trahissez vous-même. »

Le cycle des Princes d’Ambre, tome 9 : Chevalier des ombres

Un billet pour toutes celles et ceux qui se sont déjà forcés à faire du sexe. Même juste un petit peu.
En résumé : faut pas.

Je ne sais pas si ça arrive à tout le monde, si c’est courant, ou plutôt rare, mais ça m’est arrivé. Ça m’est arrivé, quand il avait envie et moi pas, de m’engager dans du sexe sans en avoir envie, dans une routine, des gestes que mon corps reconnaissait. Pour lui, pour lui faire plaisir. Pour ne pas qu’il me pose des questions auxquelles je ne voulais pas répondre, aussi (c’était à l’époque où je le trompais).

Asymétrie du désir + infidélité, un super combo pour induire un comportement destructeur et un schéma malsain dans notre relation. Mon corps me l’a signalé pendant un moment d’ailleurs, par du vaginisme. Si vous connaissez, vous savez la frustration et la souffrance que cela implique, chez la femme comme chez son partenaire d’ailleurs. Si vous ne connaissez pas, renseignez-vous, c’est apparemment assez courant. C’était un signal que quelque chose n’allait pas, profondément, dans mon rapport au sexe, si je l’avais écouté. Mais j’étais incapable de voir ce qui n’allait pas à cette époque (même si je me doutais que c’était lié à mon infidélité).

Le pire dans tout ça, c’est que je me forçais toute seule. Mon amoureux ne m’a jamais forcée à quoi que ce soit, n’a jamais voulu me forcer. Peut-être que la communication entre nous n’était pas au point autour du désir sexuel. Les couples ont parfois du mal à parler de désir sexuel, de leurs envies, ouvertement. Ça vaut le coup de se poser et d’en parler directement et explicitement (en utilisant toutes les ressources possibles pour améliorer votre communication).
Par moments je prenais l’expression de son désir pour une demande, parfois même comme une injonction. Je le trompais, mais tant qu’il était heureux, je ne faisais rien de mal. Il fallait donc absolument qu’il soit satisfait, sinon il serait malheureux et ma théorie ne tenait plus la route. Je faisais donc de mon mieux pour qu’il ne se sente jamais laissé pour compte, pour que tout paraisse parfaitement normal (du sexe un jour sur deux, peu importe comment je me sentais. Aucune idée de pourquoi c’était ça qui me semblait « normal »).

Je me sentais forcée, alors qu’il ne me forçait pas. Mais je m’étais forcée moi-même… et cela avait détruit mon désir. Quand la vérité a éclaté au grand jour, tout à coup, je n’avais plus envie de sexe, et je ne voulais plus me forcer. Tout à coup, je ne le trompais plus, et je n’avais plus besoin de me mettre en quatre pour le satisfaire.
Tout à coup, le schéma est redevenu sain. Sans sexe, mais sain. On en a parlé, je lui ai dit que je me sentais forcée, il a halluciné, vu qu’il n’avait jamais voulu me forcer, on en a parlé encore. J’étais sur la défensive : après m’être forcée pendant des années, mon rapport au sexe était profondément abîmé. Je me sentais forcée par ses gestes tendres, par ses compliments, par n’importe laquelle de ses approches. Généralement je finissais en larmes, après lui avoir renvoyé sa tentative d’ouverture dans la figure. Un sacré cirque.

Ça a pris des semaines pour que je sorte de ma carapace, des mois avant que ma relation au sexe retrouve un semblant de normalité. Beaucoup de temps, de patience (surtout la sienne) et d’efforts pour nous connaître et nous comprendre mieux, pour retrouver confiance dans la bienveillance de l’autre. Je me demandais à ce moment pourquoi il n’arrêtait pas de me demander si je ne voudrais pas voir un psy, moi aussi. Je lui répondais que ça allait, que je n’en avais pas besoin. C’est vrai, ça allait pour moi, parce que la situation était assainie entre nous et que même si c’était difficile, je pouvais gérer mes émotions seule. Mais oui, voir un psy, ça peut aider, bien sûr. Ça fait vraiment beaucoup de bazar émotionnel, et les psys sont faits pour ça.

Il peut y avoir plein de raisons pour lesquelles vous vous forcez à du sexe. Vous ne devriez jamais avoir à faire ça. Et surtout, vous ne devriez jamais vous faire ça à vous même. C’est vraiment, vraiment pas une bonne idée, quelles que soient les bonnes raisons de le faire.

Le sexe, c’est quelque chose qu’on fait quand on en a envie. Pas quand ça serait bien de le faire, ou que ça semble une bonne idée. Le désir sexuel ne s’invente pas. Si on l’ignore, il fout le camp, et croyez-moi, il vous manquera.

Voilà mon histoire, de comment on se retrouve coincée dans un schéma sexuel malsain dans son couple sans s’en rendre compte. A vous de ne pas faire pareil bande de patates.

Et sinon, les relations ouvertes, ça peut être aussi un moyen de sortir de ce schéma. Quand l’un a envie de sexe, s’il peut aller voir ailleurs, c’est un peu plus simple de lui dire non. Ça peut être un peu plus évident, dans un contexte d’abondance, qu’on n’est pas responsable du désir de l’autre, que son désir ne nous force en rien, qu’on est libre d’avoir ou pas envie aussi, et au final de consentir au sexe ou de ne pas y consentir, à tout moment. Oui, le consentement existe aussi dans un couple. Et bon sang oui, il n’y a que si vous écoutez votre corps, qu’il vous dira parfois « là, j’ai envie ».

La vérité, c’est que polyamoureux ou pas, on ne doit du sexe à personne, jamais. Si l’autre est frustré, il peut avoir du sexe seul (ou ailleurs si votre contrat le permet).
Le sexe, c’est quelque chose qu’on fait quand, et seulement quand, on en a envie, parce qu’on en a envie. Pas parce qu’on le doit. Pas parce que quelqu’un d’autre en a envie. Pas pour n’importe quelle autre raison.

Alors seulement, on peut en avoir envie.

Auteur : polypatate

Patate polyamoureuse

8 réflexions sur « Coincée »

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