Empowered

« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » (Étienne de La Boétie)

Les gens que j’aime, je les pousse vers l’indépendance.
Je n’ai jamais vraiment compris l’image de l’oiseau dans une cage, où on ouvre la cage et il s’envole, et après il revient ou pas et en fait on s’en fiche, ce qui m’intéresse dans cette image, c’est les ailes.

J’avais vu ça sur une broderie : « To our children we give two things : the one is roots, the other is wings ».
Je crois que ça s’applique tout aussi bien aux adultes – en tout cas ceux qui continuent à évoluer. Tout le monde a besoin d’appartenance (roots), et d’autonomie (wings). Plutôt le plus possible.

Nombreuses sont les personnes qui sont dans une situation de dépendance d’une nature ou d’une autre envers leur partenaire, que ce soit une dépendance financière, émotionnelle, ou des choses plus triviales en apparence, comme de dépendre de leur partenaire pour entretenir leur cercle social, ou pour conduire, s’occuper du linge, bricoler, ou tondre la pelouse. Cela implique que le partenaire est obligé de faire ça à chaque fois : pas de négociation possible si l’autre ne sait pas conduire ou refuse de toucher à la tondeuse. Peut-être que le gentil partenaire ne se sent pas obligé, qu’il aime bien bricoler ou s’occuper du linge, mais ce sont tout de même des activités fatigantes, auxquelles on préférerait peut-être de temps en temps se reposer, ou au moins avoir le choix.
Ce déséquilibre peut amener des conflits. On peut effectivement se demander pourquoi ça devrait toujours être le même qui s’occupe du linge (ça va quand même plus vite à deux), et qu’est-ce qui empêche l’autre de passer la tondeuse au juste (si elle veut tellement que ça soit fait, elle peut le faire elle-même en plus elle est auto-portée).

Ce qui nous amène au concept d’Empowerment – Autonomisation : l’idée est que chacun s’auto-suffise et puisse vivre seul, pour qu’on ait toujours le choix. Pour que le choix de vivre avec quelqu’un soit vraiment un choix. Si je vis avec toi simplement parce que je ne peux pas faire autrement, ça ne dit pas grand chose sur la qualité de notre relation, qui est peut-être malsaine, ou sans grand intérêt. Si je suis obligé de vivre avec toi et que tu ne veux pas que je danse ou que je conduise, je n’ai plus qu’à m’asseoir dessus et je ne peux pas être moi-même. Je crois qu’il y a un article de Wait but why à ce sujet (en anglais) : Comment choisir votre partenaire de vie.

Je pense qu’il faut être heureux seul pour pouvoir être heureux avec les autres. Et pour cela, cultiver une certaine forme d’indépendance. Apprendre à régler ses problèmes soi-même, développer son propre jugement, acquérir les outils nécessaires pour entretenir une vie sociale, un chez soi, une carrière. Pouvoir également subvenir à ses propres besoins (sexuels, alimentaires, affectifs…) pour ne pas faire porter ça à quelqu’un d’autre. Pour que chaque moment passé ensemble, chaque offre de soutien, chaque repas cuisiné par votre chéri soit une fête, un cadeau, et pas un dû.

On retrouve le concept d’Empowerment dans le cadre des relations éthiques. Chacun doit pouvoir faire ses propres choix, et il vaut mieux éviter de préjuger de ce que l’autre va faire, penser ou vouloir, et surtout éviter de choisir à sa place, ce qui l’amènerait à se sentir impuissant, sans voix dans la relation. Dans la même veine, il n’est pas éthique d’empêcher l’autre de faire ses propres choix informés (sachant que la vérité est nécessaire pour faire des choix informés). Si vous cachez la vérité à l’autre pour qu’il ne vous quitte pas, il risque de pas mal vous en vouloir quand il finira par le savoir (et il finira par le savoir, d’une manière ou d’une autre) parce que vous ne lui avez pas laissé le choix, le choix auquel il avait droit : vous avez choisi pour lui.
C’est généralement très important pour chacun de pouvoir faire ses propres choix (que ce soit au restaurant, dans un magasin de vêtements ou ailleurs), mais c’est vital pour des relations éthiques et saines, que chacun respecte le droit de l’autre de faire ses propres choix. Cela remet également les responsabilités au bon endroit. Vous n’êtes pas responsable des choix de l’autre, même quand ils sont subséquents à vos choix à vous, si l’autre a vraiment toujours le choix.

Et puis on a parfois de bonnes surprises, quand on laisse l’autre choisir. Même quand ça parait très risqué, même quand on ne voit pas comment ça pourrait bien se passer. Il s’agit d’assumer ses propres choix, et de laisser l’autre être ce qu’il est, librement, par exemple être un partenaire bienveillant, compréhensif et volontaire pour aller de l’avant. Ce serait dommage de ne pas lui laisser le choix, de ne pas lui permettre d’être la meilleure personne qu’il peut être. Ce serait même vraiment mal, quand on y pense, de l’empêcher d’être la meilleure personne qu’il peut être. Il faut laisser ce choix à votre partenaire, la personne que vous prétendez aimer. Vous lui devez bien ça.