Éphémère

« Vous êtes célibataires à deux, vu que vous êtes ensemble »

Rencontre d’un soir en club libertin. En entrant dans la salle, une belle jeune femme assise au comptoir s’est mise à me regarder.

Je lui rendais ses regards, et ses sourires. Elle m’a invitée à danser, mais je ne danse pas trop dans ce genre de soirée. Et puis je venais d’arriver, je voulais observer un peu la salle. L’observer elle. Elle dansait tranquillement, à l’aise avec le groupe d’habituées du club, elle qui découvrait ce genre d’endroit.

J’aime bien papoter, pour rencontrer les gens. Elle aime bien danser. Je l’ai rejointe. On a dansé ensemble, échangé quelques paroles. Elle ondulait gracieusement, j’ai sûrement très mal dansé. Elle souriait autant que moi. On s’est rapprochées. On s’est embrassées. Et on a recommencé.

On faisait un joli spectacle. Elle se raidissait quand des hommes la touchaient sans y avoir été invités. Je lui ai expliqué qu’elle pouvait aussi leur dire non, que ce n’était pas une insulte. Elle cherchait plutôt le contact féminin. Je ne cherchais rien d’autre que de m’amuser, et j’étais contente qu’elle m’ait trouvée.

Et puis l’homme avec qui elle était venue a décidé qu’il mettait les voiles. Comme une tempête, elle a couru pour passer la porte après lui. En quelques secondes, elle s’était évaporée, pour ne plus revenir.

C’était une jolie rencontre, éphémère. Parenthèse poétique, pleine d’envie et de possibles.

Voyage au pays des libertins

Je suis polyamoureuse à la base, pas libertine. C’est pas franchement la même chose – je vous renvoie vers ces 2 vidéos si vous voulez une petite piqûre de rappel sur ce qu’est le polyamour, ce qu’est le libertinage, et ce que ça n’est pas.
En gros, je suis polyamoureuse, c’est-à-dire capable d’être amoureuse de plusieurs personnes à la fois, et d’accepter que mes amoureux fassent de même. Dans mon cas, j’entretiens plusieurs relations amoureuses engagées et construites sur la durée, et j’ai toujours un peu de place (dans mon cœur, quand ce n’est pas dans ma vie) pour tomber amoureuse de quelqu’un d’autre. Je ne suis pas vraiment intéressée par du sexe quand je ne suis pas amoureuse. Je trouve ça tellement mieux quand le sexe intervient dans une relation suivie, quand on se connaît bien et qu’on peut s’adapter l’un à l’autre et s’améliorer ensemble… enfin, ça c’est la théorie. Mais en pratique, je n’avais surtout pas trop essayé le sexe sans relation amoureuse. Et pour dire que c’est mieux, ça me semblait quand même important d’au moins essayer.

Je connais un polyamoureux qui était libertin, à la base. Je ne comprenais pas bien l’intérêt du libertinage, si ce n’est que c’était une claire revendication de son droit à faire ce qu’il voulait de son corps, et en cela je le soutenais complètement. J’avais compris que ça pouvait être une sorte de défi, d’arriver à entraîner quelqu’un qu’on ne connaît pas tellement dans du sexe. Ça pouvait être un jeu partagé, une interaction sociale ludique, agréable. Ça pouvait aussi être une des premières étapes pour construire une relation, qui évoluerait éventuellement vers une relation amoureuse : ça l’est d’ailleurs souvent, mais pas forcément la première. Mais après tout, pourquoi commencer par se fréquenter et apprendre à se connaître spirituellement avant de se connaître physiquement, pourquoi ne pas commencer par le physique?
Je crois que la plupart des gens commencent par se parler avant, parce que leur corps est quelque chose d’intime, et qu’ils préfèrent n’y donner accès qu’à des gens qu’ils connaissent, et avec qui ils disposent d’une relation de confiance. C’est plutôt ça que j’avais en tête quand je me suis mise à rencontrer des gens par le biais de sites de rencontres. Au gré des rencontres, ça m’a permis d’expérimenter quelques nouvelles façons de construire des relations. Parfois on se tourne autour pendant des mois, parfois on en vient au sexe au premier second rencard. J’ai commencé à comprendre mieux ce qui me met à l’aise, où sont mes limites. Le sexe sans amour me rebutait quelque peu, je me suis rendu compte que ça pouvait marcher pour moi dans une certaine mesure, quand je suis en confiance, à l’aise avec la personne.

Alors j’ai commencé à envisager sérieusement d’accompagner mon amoureux dans un club libertin. Pour cela il fallait trouver un endroit qui nous plaise à tous les deux, et où on se sente en confiance : un endroit sûr, propre, accueillant et bienveillant. C’était pas forcément gagné d’avance. Les clubs « humides » (avec jacuzzis, hammams, saunas…) demandent beaucoup d’entretien, et se retrouvent régulièrement dégradés avant d’être en réfection. Un club du genre boîte de nuit n’avait pas la faveur de mon compagnon aux oreilles sensibles. De manière générale, les clubs semblaient avoir soit une politique de sélection très stricte (au travers de laquelle nous, couple de jeunes gens qui présentent plutôt bien, n’étions pas assurés de pouvoir passer) soit des problèmes de désordre général – hommes trop nombreux, trop insistants voire carrément irrespectueux, manque de choix voire clients repoussants… Forcément, c’est complètement irréaliste d’imaginer un club ouvert et tolérant où on ne trouverait que des gens attirants et adorables. Pour moi, peu importait au demeurant, je voulais surtout trouver un endroit propre et sûr, et on verrait bien ce qu’on trouverait dedans.

Notre choix s’est porté sur un club situé assez loin de chez nous, qui nous avait été conseillé comme un bon endroit pour des débutants : une grande maison, magnifiquement arborée et aménagée avec piscine, jacuzzi, coins câlins avec profusion de capotes un peu partout, de quoi manger et boire sur place, le tout tenu par les propriétaires de la maison, un couple habitant sur place. Ils y reçoivent leurs amis, beaucoup sont des réguliers et se connaissent bien, ce qui s’est tout de suite senti quand on est arrivés.
Je crois que c’était un bon choix, pour un premier essai. Les lieux étaient aussi propres et accueillants que prévu, les gens étaient sympa, plutôt là pour discuter et échanger les dernières nouvelles que pour se sauter dessus. Il y avait aussi pas mal de nouveaux comme nous, venus en couples le plus souvent. J’ai pris le parti de beaucoup aller à la rencontre d’autres personnes, seules ou en couple, surtout ceux qui restaient au bar sans parler à personne. Pendant la majeure partie de la soirée, on a parlé avec des gens de tous horizons. On a parlé de leurs expériences en club, de leurs vies, de leur situation amoureuse et familiale aussi souvent. Certains avaient des enfants, il y en avait qui étaient fraîchement divorcées, sorties avec une copie qui connaissait le club, d’autres étaient de jeunes couples venus épicer leur samedi soir. Certains avaient déjà été une ou deux fois dans des clubs, ils étaient surtout là pour regarder ; et il y avait de quoi regarder : les tenues des femmes particulièrement n’auraient pas pu être portées dans la rue. D’autres allaient visiter les coins câlins et faire un peu d’exhib / voyeurisme sans vraiment entrer en contact avec le reste du monde. J’ai été surprise de constater pendant la soirée que c’était en fait la majorité du sexe qui se passait ainsi dans le club : les gens venus en couple allaient faire l’amour tranquillement dans un coin, parfois à côté d’étrangers, ou juste derrière la piste de danse, mais sans toucher à qui que ce soit d’autre. Ma foi.

On a également raconté plus d’une fois notre histoire, « Je suis mariée, mais pas à lui » étant une de mes phrases phare. Il a fallu pas mal expliquer, « Mais comment vous faites?« , « Et la jalousie?« , etc etc. Généralement les gens n’en revenaient pas de leurs oreilles. « Naaaaannnnn, j’y crois pas! », « Vous êtes fous! » – j’avoue que ça me fait toujours un peu chaud au cœur, que notre histoire soit aussi incroyable pour certaines personnes, mais en même temps ça m’inquiète toujours un peu…
Le plus étrange a été d’apprendre que les polyamoureux n’étaient pas toujours très bien vus dans le milieu libertin. Oui parce que voyez-vous, si je suis polyamoureuse, ça veut dire que je peux tomber amoureuse, et qu’on peut tomber amoureux de moi : autrement dit, c’est ok de tomber amoureux. Sauf que généralement, dans le libertinage, non, ça ne l’est pas! Evidemment, les polyamoureux font office de moutons noirs parmi les gens qui suffoquent à l’idée que leur partenaire puisse tomber amoureux de quelqu’un d’autre.
Et puis moi j’avais cette image des libertins qui sont très libres de ce qu’ils font de leur corps, mais la réalité des clubs libertins, c’est plutôt des couples qui posent des règles très strictes sur ce que chacun a le droit de faire ou non dans une soirée libertine. Ce qu’on a entendu allait de « on regarde mais on ne fait l’amour que tous les 2 » à « les filles peuvent s’amuser un peu mais les garçons pas touche ». On n’a pas parlé à tout le monde, mais il y avait une sorte de consensus je dirais. Les couples ont tendance à protéger leur couple. Si un homme drague une femme qui est en couple, ou pire va faire du sexe avec elle derrière les buissons à côté de la piscine, son compagnon risque de se sentir délaissé, forcément. Et puis généralement ça ne se fait pas, quoi, c’est tout. A la limite, s’il a vraiment envie que sa femme parte avec un inconnu, éventuellement, elle aura l’autorisation de le faire. Mais pourquoi est-ce qu’il aurait envie de ça, hein, je vous le demande. Ce n’est pas une question de genre, on peut inverser les rôles c’est pareil. Les couples sont là pour faire des choses ensemble, et pour prendre le moins de risques possible.
Et on n’était pas tellement différents, d’ailleurs. Mon amoureux est libertin, une fille lui plaisait, il avait envie d’aller explorer un peu ce terrain ; moi je l’encourageais, mais il n’y avait pas vraiment une personne avec laquelle j’avais envie d’aller explorer de mon côté. Alors j’étais un peu déçue, et mon compagnon était bien embêté à l’idée de me laisser toute seule. Tout cela s’est résolu en gratin dauphinois, au final, mais on n’est pas passés loin de ne pas trouver chaussure à notre pied. Dans une soirée où pour coucher avec quelqu’un, il faut forcément coucher avec son partenaire aussi, où la plupart des gens ne sont là que pour regarder ou être regardés, on touche vite aux limites de ce qu’il est possible de faire VS ce qu’il nous plairait de faire…

De tout ça, je retiens plusieurs choses.

  • Une nuit en club libertin, c’est bien, pouvoir boire autant qu’on veut et dormir sur place c’est mieux
  • Je suis fondamentalement polyamoureuse, et libertine d’opportunité je dirais
  • Les libertins sont des gens comme les autres
  • Le libertinage, c’est pas vraiment clair ce que c’est en fait
  • Le sexe c’est quand même mieux quand on peut recommencer et s’améliorer
  • Les gens (filles comme garçons) peuvent avoir quelques soucis d’excitation quand ils rencontrent de nouvelles personnes, accrus par le stress, la fatigue, l’alcool, la présence d’autres personnes à côté qui regardent…
  • Dans les coins câlins, on peut aussi ne pas vouloir être regardés / touchés par d’autres, auquel cas un petit « on aimerait rester entre nous » passe bien (et normalement les gens demandent avant de toucher)
  • Les tenues qu’on peut mettre en club libertin sont trop cool, mais elles ne tiennent pas bien chaud dehors la nuit
  • Le chlore des jacuzzi ne part complètement qu’avec du savon!
  • Ne pas avoir de règles strictes quand on va en club libertin, la seule règle étant de rester bienveillant et à l’écoute de son partenaire, ça marche bien pour nous, mais pour le moment, on cherche encore d’autres personnes dans ce cas…
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