Du sang!

Je suis d’humeur un peu barbare. Me demandez pas pourquoi, j’ai tout à coup envie de faire un billet à propos de mes règles, quelle drôle d’idée! Ça tombe bien c’est mon blog, je parle de ce que je veux.

J’ai toujours eu des sentiments mitigés à propos de mes règles. Sans pilule et autres hormones externes, j’ai un cycle très long, 40 jours, probablement lié à mon taux un peu haut de testostérone. En dehors de ça, j’ai des règles assez classiques. Mais ayant pris la pilule pendant toute ma vie d’adulte, mes règles étaient régulées par la pilule, et n’avaient plus rien à avoir avec mon cycle naturel. Etant donné que les règles occasionnent quand même des douleurs importantes, une fatigue importante aussi, je n’ai jamais trop compris l’intérêt de ces règles « artificielles ». Provoquer moi-même ma propre chute hormonale, mon propre syndrome pré-menstruel, mes propres sautes d’humeur, tout ça pour imiter le cycle naturel, hmmm non en fait je m’en passe très bien. Je comprends que ça puisse être utile à d’autres, c’est juste pas pour moi…

Un jour j’ai entendu parler d’athlètes qui prennent leur pilule ou autre contraception hormonale en continu, pour ne pas voir leurs performances diminuer une semaine sur quatre. Il y a aussi les implants hormonaux qui sont apparus, supprimant les règles. Ce n’est pas pour tout le monde non plus, pas toujours bien toléré, on est très inégales vis-à-vis des hormones (et de tout vraiment), mais moi ça me parlait déjà plus. Alors de temps en temps, quand je n’ai pas envie d’avoir mes règles, je prends ma pilule en continu pendant quelques mois. C’est bien utile quand on part faire une semaine de voile, de cheval, ou marcher pendant une semaine sur les chemins de Compostelle, et que mes règles étaient censées tomber juste à ce moment là. Il peut y avoir des « spottings » pendant la prise en continu, de légers saignements éparses et assez imprévisibles, qui ne sont pas des règles. Ça peut être un problème pour les culottes blanches, pour moi ça n’a jamais trop été un souci.

Et puis parfois, j’ai envie d’avoir mes règles, de voir mon corps fonctionner sans apport hormonal externe, de ne plus prendre de cachet du tout. Ça a été le cas, bien sûr, quand on a essayé d’avoir des enfants : l’occasion de découvrir mon infertilité. Ce taux de testostérone un peu haut, c’est aussi ce qui fait que mes follicules ont tendance à ne pas aller au bout de leur développement, et à former des couronnes de kystes bénins autour de mes ovaires au lieu de former un ovocyte. C’est SOPK, le Syndrome d’ovaires poly-kystiques. La testostérone (les filles en ont aussi, hein, beaucoup moins que les garçons mais un peu ; j’en ai juste un chouïa plus que les autres filles) me donne aussi probablement un peu plus de muscles, un peu plus de poils. C’est léger, assez peu visible, et sous pilule, c’est encore moins présent.

Voilà, donc, mes règles, parfois je les ai, parfois pas, et globalement ça me correspond bien. Ce qui est étrange aussi, me concernant, c’est le sujet des protections hygiéniques. On m’a éduquée à me promener avec un paquet de serviettes hygiéniques pendant mes règles, ou des tampons, ou une moon cup, et en fait… j’utilise on va dire quelques serviettes hygiéniques par an (ça se compte sur les doigts d’une main, un paquet me fait plusieurs années) et c’est tout. Si je vais faire une randonnée à la journée pendant le début de mes règles, je mets une protection quand même. Mais sinon, je mets juste des slips foncés. J’ai un boulot où je suis assise toute la journée, et assise, je ne perds pas de sang. Après un long moment assise, quand je me lève, je vais aux toilettes, et je perds tout dans les toilettes. Alors au lieu d’y aller une fois dans la journée (j’ai une grande vessie), je vais faire pipi un peu plus souvent pendant mes règles, et c’est tout. Je ne sais pas à quoi c’est dû, sûrement la manière dont je suis faite, mon bassin, mes muscles, je n’en sais rien [Edit : c’est le périnée qui fait cette magie.  Et je découvre aussi que cette manière de gérer ses règles a un nom : le flux instinctif libre. Si vous voulez essayer, bah, ça marche, hein, voilà.] J’ai une vessie que je peux cadenasser pendant toute une journée, et le sang de mes règles que je retiens naturellement pendant des heures. Peut-être que je ne saigne pas beaucoup aussi, ça je ne sais pas trop, c’est difficile à comparer, mais ça a l’air quand même beaucoup au fond des toilettes – le saviez-vous? le sang est plus lourd que le lait, qui est plus lourd que l’eau, ce qui me fait penser qu’il y a de quoi faire un cocktail marrant! Bref. [Edit : apparemment ça marche peu importe l’abondance des règles.]

Du coup, je participe peu aux discussions qui comparent les tampons aux serviettes aux moon cups et que sais-je d’autre. Je ne sais pas si c’est courant, de ne pas tellement utiliser de protection alors même qu’on a ses règles. [Edit : j’ai découvert que je ne suis pas la seule en tout cas, mais ça doit pas être très répandu, je ne connais personne d’autre qui pratique le flux instinctif libre dans mon entourage proche ou lointain.] Ce sang ne m’a jamais gênée pour le sexe non plus. [Edit : ça gêne certains partenaires par contre, mais pas tous.] Il faut penser à lubrifier quand même car le sang ce n’est pas un super lubrifiant ; on essaie de ne pas tacher les draps, ce qui fait privilégier des surfaces qui se nettoient facilement, faïence, carrelage, bois. Voilà. Les précautions de safe sex habituelles s’appliquent évidemment. [Voire même s’appliquent encore plus, vu qu’on parle quand même de sang hein. Mais au fond ça ne devrait pas changer grand-chose, faut faire attention règles ou pas règles, c’est tout.]

Le sexe n’a jamais été chez moi lié à ma propre fertilité. Naturellement, sous pilule ou non, je n’ovule pas a priori, alors c’est assez logique que je n’ai jamais connu d’envie de sexe particulière au moment où j’étais fertile. Mes envies de sexe sont liées à mes hormones tout de même je pense, plus exactement à leur variation au cours de la journée, en fonction de ce que je mange, du soleil sur ma peau et de tout un tas de choses que j’ignore ; ma libido est également beaucoup stimulée par mon environnement, les gens autour de moi, les sites sur lesquels je vais me délasser les neurones, mon imagination, mon empathie, les histoires que j’écris, celles que je me raconte, mes rêves, mes fantasmes. Mon rapport au sexe s’est développé de manière ludique et décorrélé de toute démarche de procréation. C’est une construction assez étrange, quand on y pense. C’est simplement la mienne.

Du coup, quand j’ai mes règles, je le dis à mes amoureux, ils savent ce que ça veut dire : que je vais être fatiguée, peut-être irritable ou un peu plus acerbe que d’habitude, avoir mal au ventre, être grognon. Ce n’est pas une excuse, j’essaie de ne pas être désagréable avec eux ou de leur demander pardon quand c’est le cas, mais ça permet de comprendre ce qui se passe et pourquoi. Ça permet aussi à ceux que ça rebute de mélanger sexe et menstruations de privilégier d’autres activités temporairement. J’en parle aussi à mes rencards – oui je vais aussi à des rencards quand j’ai mes règles. Si on ne peut pas gérer ça et s’occuper agréablement pendant une soirée sans faire du sexe, ça risque d’être compliqué rapidement.

Voilà, je ne sais pas si ce petit tour de mon hygiène intime vous aura dégoûté, peut-être que ce témoignage sera utile à d’autres. Je sais que je me suis posé beaucoup de questions pendant de nombreuses années autour de mes règles, et des règles en général, pour comprendre mon corps et pourquoi il fonctionne comme il le fait, et ce n’est sûrement pas fini. Alors ça me semble intéressant d’en parler, si ça peut faire gagner un peu de temps ou calmer les angoisses de quelques autres.

J’ai toujours eu du mal à en parler avec mes médecins, gynéco et compagnie. Depuis ma période de vaginisme et ce médecin choisi au hasard parce que proche de chez moi, qui m’avait dit que je prenais la pilule depuis beaucoup trop longtemps, ohlala, il fallait vite que j’arrête! (évidemment, ça n’avait pas aidé pour le vaginisme, bonjour le médecin rétrograde pour lequel je ne suis qu’un utérus sur pattes, s’il savait que je n’ovule pas le pauvre, je n’y suis jamais retournée.) Mais si vous avez des doutes ou des questions, n’hésitez pas à en parler à un médecin de confiance.

Auteur : polypatate

Patate polyamoureuse

5 réflexions sur « Du sang! »

  1. C’est un peu tout l’inverse de mon cas, finalement… Depuis que je suis réglée, je n’ai jamais eu de cycles réguliers, que ce soit avec ou sans pilules. Après plusieurs années de pilules, on me propose l’implant, on me dit que ça va stopper les règles. Je tente, c’est super pendant la 1ère année, c’est une horreur la deuxième année, plein de spotting, des cycles encore plus irréguliers, des règles « surprises » impossible à prévoir et sans signes avant-coureur… Il est enlevé en début de 3ème année. Puis re-pilule pendant un an, condition sine qua none de ma gynéco avant de demander un stérilet. Sitôt l’année de pilule écoulée (et tous les oublis qui vont avec), j’ai enfin un DIU cuivre. Je re-découvre mon corps, mais surtout je redécouvre les règles, et je découvre ce que « règles hémorragiques » signifie vraiment. HA. C’est donc ça… La coupe menstruelle passe à la taille supérieure, et les serviettes lavables viennent s’ajouter en support pendant les 2 pires jours. L’anémie fait coucou régulièrement en fin de cycle, et les syndromes pré-menstruels sont clairs. Et les cycles sont réguliers. Bref, ce n’est pas merveilleux de se vider de son sang une semaine par mois, mais je n’ai aucun regret car j’ai redécouvert mon corps et ma libido, et j’ai enfin l’impression de m’appartenir.

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  2. Petit commentaire concernant le Safe sex : il convient d’être plus vigilant pendant les règles. Car, forcément, c’est du sang et donc un vecteur un peu plus susceptible que d’autre de faire passer des infections.

    Sinon, je n’ai pas trop compris la réaction du médecin te disant que tu prenais la pilule depuis trop longtemps. Entendait-il trop longtemps d’affilé ? Ou que tu l’avais commencée trop tôt ? Tu laisse entendre qu’il ne s’inquiétait que de ta capacité à avoir des enfants après, mais ça aurait pu être une question de santé ?

    La pilule c’est une super invention, qui permet de se libérer à plus de 99% du risque de grossesse inopinée (qui est quand même la toute première des maladies sexuellement transmissibles. :)) de contrôler ses fluctuations hormonales peu agréables et de combattre des effets néfastes des déséquilibres qui vont avec. C’est aussi une dose d’hormone quotidienne en assez grande quantité (et ce genre de chose peut faire de sacrées transformations sur un corps ! https://i.redd.it/3ib9kxv6rxaz.jpg :P), une manière de civiliser son corps à grand coup de chimie et potentiellement une source de pollution hormonale pour l’environnement. Elle a été vanté pendant des décennies comme une panacée un peu miraculeuse et commence à être interrogée en gros par notre génération.

    Mon point de vue est que c’est certainement un bon outil, mais qu’il ne faut pas oublier que c’est est un avec des avantages et des inconvénient (qui ne sont pas tout à fait connus.) C’est pourquoi on peut aussi penser qu’il est mieux de s’en passer. Bon, ça reste un manque de professionnalisme de juger au lieu d’informer quand on est médecin…

    Ah, et ne pas être dégoûté·e par ce qui sort de son propre corps, c’est cool. 🙂 (Sauf quand ce sont des trucs qui devraient pas sortir. Hein. En fait.)

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    1. La réaction du médecin, je ne l’ai simplement pas comprise : je le voyais pour du vaginisme, il s’est contenté de me parler de ma contraception (et encore, pour simplement me dire d’arrêter, pas pour me conseiller autre chose. Il ne s’occupait évidemment pas de DIU au cuivre ou quoi que ce soit d’autre). L’incidence de la prise longue de pilule sur la fertilité, bon, faut voir… Parce que forcément, après 10 ans de pilule, on a surtout 10 ans de plus, et la fertilité chute essentiellement avec l’âge. Dans mon cas, c’était sacrément con, vu que j’avais déjà un SOPK avant de prendre la pilule, et que ça n’y a strictement rien changé.

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